Les amours de Zeus

/ Critique - écrit par Maixent, le 30/10/2022

Tags : zeus mythologie livres amours histoire hera grecque

Amour et politique

Encore plus porté sur le sexe que Casanova, Zeus apparaît comme un impénitent obsédé à travers les textes qui nous sont parvenus. Témoignage d’une époque où les dieux avaient des caractères plus proches des hommes. Être sur le trône de l’Olympe ne l’empêche pas de rester un séducteur invétéré, délaissant volontiers son épouse Héra pour s’accoquiner avec de ravissantes mortelles qui engendreront des demi-dieux puissants nourrissant les légendes. Il est donc légitime dans la collection de La sagesse des mythes de revenir sur ces amours interdits et pourtant si importants dans la cosmogonie. Ici, nous nous concentrerons sur quatre de ces passions fulgurantes d’un Dieu auquel personne ne peut résister.


Némésis

 

La première histoire est centrée sur le mythe de Léda. Plusieurs versions son possibles, la plus connue étant que Léda fut séduite par Zeus sous la forme d’un cygne. Ici, c’est une variante moins connue qui est mise en avant. Si Léda est présente, elle n’est plus que la mère adoptive des enfants nés de l’union non consentie de Zeus et Némésis. En effet, il apparaît que Zeus viole Némésis après une course poursuite endiablée fait de diverses métamorphoses. La dernière étant un cygne, Némésis pondra un œuf géant récupéré par Léda. De cet œuf sortiront Héléne, au centre du conflit de la guerre de Troie, et Pollux, frère de Castor qui lui sera issu d’un autre œuf et n’aura donc pas le statut divin de son jumeau. Le mythe de Léda proposant de nombreuses versions, celle choisie montre un Zeus sans scrupule, ses « love interest » n’étant qu’un vivier de proies potentielles servant à accomplir son dessein.

Ce qui est confirmé par le second récit, centré sur Europe, qui s’ouvre sur un Zeus libidineux et pervers pris en flagrant délit de voyeurisme par sa femme et trouvant une excuse fallacieuse pour lui fausser compagnie et assouvir ses pulsions. Apparaissant sous la forme d’un puissant et magnifique taureau blanc, il mène sa conquête sur une île. De cette union naîtront Minos (roi légendaire de Crète), Sarpédon (qui mourra durant le siège de Troie des mains de Patrocle) et Rhadamanthe (héros civilisateur réputé pour sa sagesse et sa sagacité).
Danaé

 

Suit la très belle histoire concernant Danaé. Enfermée par son père pour contrer une malédiction, Zeus prend, pour l’atteindre, la forme d’une pluie d’or qui lui permet de se glisser entre les barreaux de son cachot. De cette union sacrée résultera le grand héros Persée qui vivra caché dans sa prison durant toute sa petite enfance avant d’être découvert par son grand-père puis confié à Dictys.

L’ouvrage s’achève sur Alcmène. Un récit plus complexe dans le sens où Zeus prend cette fois l’apparence d’Amphitryon, son mari, pour s’unir à elle. Dupée, et donc innocente, elle devra cependant affronter le courroux du mari cocufié fusse-t-il par le Dieu des Dieux lui même. Elle réchappera de peu à la mort, sauvée par Zeus qui voit dans l’enfant à venir le plus grand des héros, Alcide, plus connu sous le nom d’Héraclès, mais ceci est une autre histoire.


Alcmène

 

Si ces quatre histoires ont été choisies ici – et non pas la naissance de Dyonisos par exemple, fils de Sémélé, elle-même fille d’Harmonie issue de l’union illégitime d’Arès et d’Aphrodite que l’on a pu voir dans un autre album – c’est pour une raison bien précise. En effet, c’est pour mettre en avant l’idée qu’avant toute chose, Zeus s’allie aux mortelles pour créer une ligné de héros et d’alliés. On peut donc y voir une portée politique pour asseoir son pouvoir, à la fois sur les dieux et sur les humains, ce qui apparaît distinctement dans les pages explicatives en fin d’album. Mais rien n’empêche de retenir en priorité l’aspect érotique.

De l’ensemble de l’album se dégage une certaine sensualité mise en avant par le dessin tout en courbes de Carlos Rafael Duarte. Là où on aurait pu choisir la rigueur mécanique de l’accouplement, est plutôt mise en avant une certaine frivolité et une tension érotique de chaque instant. Du coup, l’aspect pratique de faire des enfants pour dominer le monde et maintenir son équilibre est en permanence contrebalancé par le plaisir charnel et l’esprit polisson de Zeus. Avoir su manier ces deux aspects confère à l’ensemble un réel plaisir de lécture, à la fois didactique et incarné.

Encore une fois, la collection de La Sagesse des mythes réussit le pari d’un ouvrage profondément philosophique tout en ancrant la réflexion dans le plaisir de lecture.
Europe