Futuropolis : La dame de Fer, Alexandrin ou l'art de faire des vers à pied

/ Critique - écrit par plienard, le 15/09/2017

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Deux beaux albums aux éditions Futuropolis qui laissent, à la fois, un sentiment de bonheur sur l'être humain et d'inquiétude sur notre société.

La dame de fer - note : 7,5/10

Pour les plus de quarante ans, la dame de fer évoque une époque et une femme que les fans du chanteur Renaud appelleraient Miss Maggie. Il s'agit de l'ancienne première ministre britannique entre mai 1979 et novembre 1990, Margareth Thatcher, décédée récemment, le 8 avril 2013. Son inflexibilité lui a valu ce surnom. On s'attend donc à retourner dans un passé pas si lointain que çà, en plein combat pour la sauvegarde de l'emploi des ouvriers britanniques.


© Futuropolis 2017.

 Mais pour les trois amis de Kingsdown, la dame de fer n'est pas seulement cette ancienne femme d'état. C'est aussi une vieille moto, une Norton Manx. Une autre dame de fer qui vire aussi un peu la droite. Et l'annonce de la mort de Miss Maggie rappelle bien des souvenirs à Donald, le gérant du pub de la petite ville côtière de Kingsdown, dans le Sud de l'Angleterre. Il y a trente ans, il aurait refait le monde avec ses deux amis, Abby et Owen, comme toute la jeunesse britannique élevée à la pinte et aux conflits sociaux, en doc-martens© et Harrington©.

Après Le sourire de Mao, déjà chez Futuropolis, Michel Constant signe une sympathique histoire avec trois amis qui se retrouvent après trente ans de séparation. Chacun a laissé ses idéaux un peu de côté, et a refait sa vie. Ils se retrouvent pourtant comme s'ils s'étaient quitté hier mais suite à un mensonge de Donald. Et si les idéaux ont été laissés de côté, ils leur restent encore quelques principes.

J'ai aimé cette histoire qui traite d'abord d'une amitié franche et sincère avant toutes considérations sociales ou économiques qui servent ici plutôt de décor. On échappe à l'étude sociologique d'une époque comme on aurait pu s'y attendre dans ce genre de cas et qui a déjà été fait. Du coup, les trois quadras nous apparaissent fort sympathiques et ont gardé une belle énergie qui les amènent à changer la face tristounette de cette ville balnéaire, à coup de doigt d'honneur. À lire avec une bande son des Clash, évidemment !

 

Alexandrin ou l'art de faire des vers à pied - note : 8/10

C'est avec ce titre original qu'on démarre la lecture de cette bande dessinée d'Alain Kokor et Pascal Rabaté, aux éditions Futuropolis. Deux auteurs à l'univers bien défini et qui font de la bande dessinée autrement. Chez Alain Kokor, c'est un monde poétique qui est mis en dessin. Chez Pascal Rabaté, le social et, au delà, une certaine critique de la société imprègne son oeuvre. La réunion des deux se retrouve dans cet album, sorte de "poésie sociale" faite d'humour, de tendresse et parfois d'un peu de tristesse.


© Futuropolis 2017.

 Quand on s'appelle Alexandrin, on a un prénom prédestiné à faire de la poésie. Sauf que cet art n'est pas très enrichissant. Et c'est avec sa redingote à la Sherlock Holmes, qu'il va de porte en porte vendre ses vers à qui veut  bien lui acheter. Dans son errance, il rencontre un jeune fugueur et vont faire un bout de chemin ensemble. Leur existence peut sembler être une galère mais elle se résume aussi à beaucoup de liberté, de belles rencontres, de bons moments.

Cette bande dessinée touche à la beauté. La beauté des mots, de la langue, des gens. Pascal Rabaté s'offre un exercice de style assez remarquable avec ses dialogues en vers et, mieux, parfois en alexandrins. Loin d'être rébarbatif, c'est une jolie musique qu'on découvre et qui donne à l'existence d'Alexandrin (le personnage) un côté enviable. Sauf que le pauvre homme galère et que pour faire rimer deux sucettes avec son repas de jambon et de champignons, il faut les nommer bonbons. La poésie lui permet ainsi d'oublier la difficulté de sa vie.

Cet album est aussi une façon de démontrer que la poésie n'est pas réservé qu'à une élite. Elle est accessible à tous, jeune ou vieux, riche ou pauvre, et même si Alexandrin dénigre les dessinateurs de BD pour une scène d'auto-dérision assez mémorable.


Les couvertures des 2 albums - © Futuropolis 2017.