Aya de Yopougon - Tome 1
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 30/04/2006 (Tags : aya abouet yopougon oubrerie marguerite clement tome
Que connaissons nous de l'Afrique ? Hormis ceux d'entre nous qui y ont déjà voyagé, rien. L'image d'un continent sur lequel on n'a jamais mis les pieds est celle fabriquée par les médias. C'est bien triste à dire, mais quand on pense Afrique, on pense bien souvent famine, coups d'état, sida et extrême pauvreté. Alors que chaque année le marché nous abreuve de milliers de fictions prenant place sur le continent nord américain et au moment où nous nous ouvrons de plus en plus à l'Asie, notamment au travers du cinéma et de la bande dessinée, l'Afrique reste encore et toujours pour nous un grand mystère.
Alors, l'Afrique, parlons-en, et si vous souhaitez la lire, voici une bande dessinée qui a fait forte impression au dernier festival d'Angoulême, où elle a remporté le prix du premier album ; Aya de Yopougon. Cet album semble être le premier d'une série, la tomaison étant inscrite de manière très visible sur la couverture et la tranche. Un roman graphique d'une centaine de pages, derrière lequel se cachent deux auteurs : Marguerite Abouet, née à Abidjan, et qui semble raconter dans Aya de Yopougon une histoire très fortement inspirée de sa jeunesse et Clément Ourbrerie, dessinateur connu pour ses réalisations jeunesse.
Yopougon, c'est un quartier populaire de la ville d'Abidjan. L'album nous fait découvrir la vie des adolescents qui y vivent : les amis, les premiers amours et expériences sexuelles. L'album est bourré d'humour. Les personnages sont amusants, sans faire l'effet de bouffons ou de caricatures. L'un des thèmes majeurs, bien que passant en filigrane, est la condition féminine. Nous sommes dans les années soixante-dix, se faire avorter pour une jeune femme, en Côte d'Ivoire comme en France, c'est risquer la mutilation, voire même aller à la mort. Les jeunes femmes doivent résister d'un côté aux godelureaux qui les accostent avec peu de tact dans la rue et de l'autre aux pères, qui aiment beaucoup sortir mais qui n'aiment pas voir leurs filles les imiter. Aya de Yopougon, malgré des allures très "sitcom" (le groupe de copines), n'est donc pas qu'une petite romance légère et humoristique pour adolescents.
Clément Oubrerie, fort de son expérience d'illustrateur mais dont c'est la première réalisation BD, s'en sort très bien. La gestuelle des personnages est aussi pertinente qu'amusante (voir, en appendice, une leçon de roulement de fesses), les visages sont très expressifs et la coloration, dans des tons chauds, connaît de belles variations. Toujours dans le positif, on notera aussi un bon sens du cadrage et de la mise en page : quelques vignettes en pleine page et un gaufrier très approprié pour les passages de tête-à-tête au restaurant.
Rieur, enjoué, coloré, rafraîchissant mais aussi pertinent, Aya de Yopougon est une histoire bien sympathique, loin des clichés et de tout misérabilisme. Très certainement l'album le plus intéressant de la première fournée de la collection Bayou.