9/10Astérix : Goscinny et Uderzo (1961-1978)

/ Critique - écrit par riffhifi, le 31/01/2008
Notre verdict : 9/10 - Ris, Gaule (Fiche technique)

Période 1961-1978 : Goscinny et Uderzo

Astérix, avant d'être une trilogie de films à gros budgets, un parc d'attraction plein de bruit et d'odeurs de graillons, avant même d'être un argument de vente pour diverses marques de dentifrice ou de gâteaux au chocolats, était une bande dessinée. Si si, souvenez-vous, le personnage et ses amis résistant encore et toujours à l'envahisseur romain grâce à la potion magique qui leur donne une force invincible ont été créés en 1959 par le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo, lors de la création de leur journal Pilote. Les deux hommes n'en sont pas à leur coup d'essai, ils ont chacun plus de dix ans de labeur scénaristico-pictural derrière eux, et ont déjà travaillé ensemble à plusieurs reprises, notamment sur les aventures d'Oumpah-Pah le Peau-Rouge. De 1961 à la mort de Goscinny en 1977, les deux compères livrent 24 albums et travaillent sur les quatre premiers dessins animés, l'un d'entre eux étant même une histoire entièrement nouvelle. On peut considérer que le "vrai" Astérix est celui de cette période, les albums n'ayant cessé de décliner depuis la mort du scénariste.

Astérix (accompagné de son inséparable ami Obélix, dont le nom est pourtant Astérix le Gaulois (1961)
Astérix le Gaulois (1961)
absent de quasiment tous les titres d'albums) vit des aventures que l'on peut regrouper en trois types distincts :

  • Les aventures "à domicile" qui prennent place dans le village gaulois et ses alentours : Astérix le Gaulois, Le combat des chefs, Astérix et les Normands (rencontre avec les Vikings), La zizanie, Le domaine des dieux, Le devin, Le cadeau de César et Obélix et compagnie.
  • Les aventures en Gaule : La Serpe d'or (à Lutèce-Paris), Le tour de Gaule (Rotomagus-Rouen, Lutèce, Camaracum-Cambrai, Durocortoum-Reims, Divodurum-Metz, Lugdunum-Lyon, Nicae-Nice, Massilia-Marseille, Tolosa-Toulouse, Aginum-Agen, Burdigala-Bordeaux et Gésocribate-Le Conquet), Astérix Légionnaire (Condate-Rennes, avant de passer par Massilia et d'aller en Afrique pour le final), Le bouclier Arverne (Auvergne), Astérix et le Chaudron (Condate), Astérix en Corse.
  • Les aventures à l'étranger : Astérix et les Goths (Allemagne), Astérix gladiateur (Rome), Astérix et Cléopâtre (Egypte), Astérix chez les Bretons (Angleterre), Astérix aux Jeux Olympiques (Grèce), Astérix en Hispanie (Espagne), Astérix chez les Helvètes (Suisse), Les lauriers de César (Rome à nouveau), La grande traversée (Amérique), Astérix chez les Belges (Belgique).

En quelques albums, les personnages et leur environnement trouvent leur apparence et leur mode de fonctionnement. On remarque l'arrivée de Agecanonix et celle des pirates, destinés à devenir un gag récurrent dans la série, dans Astérix Gladiateur. Dans ce même album, on trouve les germes du brillant Astérix légionnaire, où Astérix et Obélix devront également se plier (plus ou moins) aux contraintes d'une discipline romaine pour sauver un Gaulois prisonnier. Idéfix, le chien à moustache, fait sa première apparition dans Le tour de Gaule, le cinquième album, où il se prend d'affection pour les deux héros alors que ceux-ci sont de passage à Lutèce. Il ne les lâchera plus jamais et les accompagnera dans toutes leurs aventures subséquentes. La "formule" de Goscinny, qu'on retrouve Astérix légionnaire (1967)
Astérix légionnaire (1967)
également dans ses autres séries comme Iznogoud et Lucky Luke, consiste à installer un certain nombre de running gags déclinables à l'infini, au sein de chaque album mais également tout le long de la série. Entre autres gags récurrents, on notera le banquet final durant lequel le barde Assurancetourix est bâillonné, le célèbre « qui est gros ? » d'Obélix, ainsi que son « ils sont fous ces Romains », dont toutes les variantes sont possibles au gré des rencontres avec d'autres peuples, les mésaventures du chef Abraracourcix avec ses deux porteurs, les brutalités régulièrement dispensées à Assurancetourix par le forgeron Cétautomatix (qui change radicalement d'aspect entre Astérix le Gaulois et Astérix et les Normands), la fraîcheur des produits du poissonnier Ordralfabétix, etc.

La volonté des auteurs, dès les premiers albums, est de jouer sur le parallélisme entre Gaulois antiques et Français actuels, toujours râleurs et désordonnés, contestataires et ripailleurs. Cependant, l'insertion de gags volontairement anachroniques tout au long de la série n'empêche pas le respect de la crédibilité historique : Goscinny aimait à inscrire les histoires dans un contexte ayant existé, en citant avec précision les noms de lieux et des gens. On remarquera pourtant une relative absence de datation des histoires : la série est globalement située en 50 avant JC, mais un seul album se targue d'une date précise : Astérix en Hispanie, qui commence le 17 mars 45 av. JC.

Au fil des albums, on apprend que la résistance armoricaine n'est pas la seule épine dans le pied de César : on trouve ainsi des villages dissidents très comparables à celui d'Astérix en (Grande) Bretagne, en Hispanie, en Corse et en Belgique, les habitants de ce dernier pays disputant même aux Gaulois le titre de peuple le plus brave, dans ce qui sera le dernier album écrit par Goscinny, publié à titre posthume. L'occasion rêvée de réconcilier Français et Belges.

Dans les derniers albums du duo, cependant, on note une baisse générale de niveau, une propension à répéter des schémas déjà vus précédemment : Le domaine des dieux et Obélix et compagnie fonctionnent d'une façon sensiblement identique à La zizanie, Astérix chez les Helvètes fait souvent penser à Astérix chez les Bretons, et Astérix chez les Belges est rempli essentiellement de scènes de violence contre les camps romains... Rien de dramatique pour autant, au regard du Astérix chez les Belges (1978)
Astérix chez les Belges (1978)
carnage qui sera fait plus tard par Uderzo scénariste dans les années 90 et 2000. René Goscinny reste le maître du jeu de mots savamment amené, souvent gratuit mais jamais vulgaire ni trop facile. A choisir, l'album vainqueur de la palme du jeu de mots serait sans doute Le combat des chefs, avec son romain qui sent le poisson et qui vole !.. Mais on trouve des perles dans tous les albums. Florilège : « Comment s'appelle cette ville ? - Divodurum. - N'essaie pas de m'amadouer ! Non, je ne veux pas rhum ! » (Le tour de Gaule) ; « Tous les étés, les ibères deviennent plus rudes » (Astérix en Hispanie) ; « Il ne faut jamais parler sèchement à un Numide » (Le domaine des Dieux)...

Uderzo, de son côté, a toujours été attiré par la caricature de célébrité, dont il abusera dans ses albums en solo. Un œil avisé reconnaîtra déjà Charles Laughton en Gracchus (le nom de son personnage dans Spartacus) dans La serpe d'or, les acteurs de Marius (Raimu, Charpin...) dans Le tour de Gaule, Lino Ventura dans La zizanie, Jacques Chirac (authentique !) et Laurel et Hardy dans Obélix et Compagnie.

Astérix sur grand écran, ça ne date pas de 1999 : dès les années 60, le rôle est proposé à Louis De Funès ; Goscinny n'est pas très chaud pour une version filmée, et de Funès déclare qu'il n'acceptera de jouer le rôle que si on l'autorise à ne pas porter de moustache. Un caprice étonnant si on considère que l'acteur a fait une partie de sa carrière affublé de bacchantes telles qu'elles donnèrent leur nom à un de ses films (Ah ! les belles bacchantes !, 1954). C'est donc en dessin animé que le Gaulois va prendre vie, d'abord avec Astérix le Gaulois (1967), que les auteurs n'ont pas pu superviser et qui ne les satisfait pas. Puis avec Astérix et Cléopâtre (1968) et Astérix chez les Bretons (1975), sur lesquels ils opèrent une veille artistique serrée. Et enfin avec Les douze travaux d'Astérix (1976), pour lequel Goscinny et Uderzo écrivent un scénario original avec la collaboration de Pierre Tchernia (d'où la présence de ce dernier sous les traits d'un Romain dans l'album Astérix chez les Belges). Ce dernier dessin animé, unique production des Studios Idéfix, reste à ce jour le plus réussi de tous.

En 1977, Goscinny meurt et laisse les Gaulois orphelins...


Tome 1 - Astérix le Gaulois (1961)
Tome 2 - La serpe d'or (1963)
Tome 3 - Astérix et les Goths (1963)
Tome 4 - Astérix Gladiateur (1964)
Tome 5 - Le tour de Gaule d'Astérix (1965)
Tome 6 - Astérix et Cléopâtre (1965)
Tome 7 - Le combat des chefs (1966)
Tome 8 - Astérix chez les Bretons (1966)
Tome 9 - Astérix et les Normands (1967)
Tome 10 - Astérix légionnaire (1967)
Tome 11 - Le bouclier arverne (1968)
Tome 12 - Astérix aux Jeux Olympiques (1968)
Tome 13 - Astérix et le Chaudron (1969)
Tome 14 - Astérix en Hispanie (1969)
Tome 15 - La zizanie (1970)
Tome 16 - Astérix chez les Helvètes (1970)
Tome 17 - Le domaine des dieux (1971)
Tome 18 - Les lauriers de César (1972)
Tome 19 - Le devin (1972)
Tome 20 - Astérix en Corse (1973)
Tome 21 - Le cadeau de César (1974)
Tome 22 - La grande traversée (1975)
Tome 23 - Obélix et Compagnie (1976)
Hors-série - Les 12 travaux d'Astérix (1976)
Tome 24 - Astérix chez les Belges (1978)