Wisher - Tome 1 - Nigel
Bande Dessinée / Critique - écrit , le 13/09/2006 (Tags : tome wisher latour nigel livre etat eur
Globalement, Wisher est un récit qui tient la route, pas désagréable à lire sans être innovant, et qui peut donner envie de connaître la suite.
Le Lombard a 60 ans cette année. Et comme c'est son anniversaire mais que personne ne lui fera de cadeaux, la maison d'édition a décidé d'aller les chercher elle-même en mettant en place une nouvelle collection orientée vers l'imaginaire : les collections Portail. Un moyen de montrer que Le Lombard vous aime et espère que cet amour soit réciproque. Pour inaugurer le bal fantastique, c'est Wisher qui a été désigné apte à jouer les cobayes. Ont-ils eu raison ?
Nigel Grant est un jeune londonien, tendance métrosexuel, doué pour les affaires. Capable de pouvoir assouvir les désirs des clients les plus exigeants, ce génie de l'escroquerie possède un bon réseau relationnel l'aidant dans sa tâche. Parmi ses contacts, il y a John Karfeild. Un faussaire qui se veut être le plus discret possible malgré son look excentrique et peu efficace pour se mouvoir dans l'anonymat. Outre ses goûts vestimentaires douteux, John Karfeild détient un incroyable talent : reproduire avec précision n'importe quel tableau. Une aubaine pour Nigel qui a justement besoin de ses services pour répondre à la demande de Monsieur Bulldog. John n'a plus qu'à signer l'oeuvre en question pour donner la marchandise à son associé. Mais alors qu'ils sont en train de se promener tout en parlant business, le faussaire ressent la présence menaçante d'un homme en noir vêtu d'un chapeau melon. Il offre précipitamment un pendentif à Nigel avant de fuir vers la plus proche station de métro et se jeter sous le premier train passant. Suite à cet étrange suicide, notre héros va être plongé malgré lui dans un monde étrange où des personnages légendaires tentent de lutter contre le MI 10, une section secrète du ministère de l'intérieur dont le but ultime est de réduire à néant le nombre ridicule de féériques (1000 au total). Des créatures imaginaires qui ont su se mouvoir dans la société. Dans son périple semé de magie, notre homme va être en proie à de nombreuses questions. Pourquoi le MI10 et les féeriques s'intéressent-ils à lui ? Nigel n'est-il qu'un simple humain claustrophobe ? D'où provient la source de ses nouveaux pouvoirs exauçant ses souhaits les plus chers ?
Lorsque vous découvrez la couverture de Wisher, un étrange doute vous envahit. La mise en place des éléments est simplifiée au maximum en plus d'être complétée par une coloration flashy désagréable à l'oeil. Étrange contraste avec la typographie accompagnant le titre qui se veut revêtir un aspect plus féérique. Wisher apparaît alors comme un produit dépourvu d'originalité au niveau de sa présentation. Avant de creuser l'aspect scénaristique de l'ouvrage, il est important de développer davantage notre analyse sur le dessin sur lequel repose la majorité des contraintes pour illustrer un récit fantastique. Le résultat de ce côté est plutôt mitigé et enclin à se poser des questions sur le savoir faire de Gulio de Vita qui n'en est pourtant pas à son premier essai dans la matière. Ce jeune dessinateur a débuté très tôt sa carrière artistique pour ensuite évoluer dans le cinéma avant d'atterrir dans la bande dessinée. Il est évident que son trait aiguisé est le fruit de nombreuses expériences issues de réalisations préalablement effectuées (Lazarus Led, la Fatwa, James Healer...). Pourtant, la coloration de l'album vient la plupart du temps gâcher une grande partie de ses capacités graphiques. Le choix des tons parfois fade est mêlé à des effets spéciaux ajoutés par ordinateur. Le tout empêche à certains moments de bien discerner l'action qui est en train de se dérouler lorsque ce ne sont pas des caractères qui viennent cacher le dessin. Un usage surdosé des logiciels informatiques qui dénature profondément un graphisme qui veut pourtant vivant et assez expressif pour un style réaliste.
Côté scénario, le bilan est plus positif. Sébastien Latour rédige ici sa première histoire et s'en sort plutôt bien. Certes l'urban fantasy reprend les éternels codes manichéens de la narration. Une confrontation classique entre les gentils féeriques et les méchants magiciens où seul un "élu" peut résoudre définitivement la situation. L'auteur aurait-il caricaturé de manière plus fantaisiste des éléments réels qui auraient été susceptibles de l'inspirer ? Professeur d'anglais enseignant dans un établissement situé dans une Zone d'Éducation Prioritaire, il est facile de savoir où Latour à puisé son inspiration pour faire en sorte que le MI 10 soit dirigé par le ministère de l'Intérieur... britannique * oui c'est vrai, j'ai failli être mauvaise langue, pardonnez-moi*. Outre cette supposition sans fondement, les dialogues introduisent de manière un peu exagérée la situation des personnages. Le scénariste parvient cependant à bien construire son récit en dosant efficacement scènes d'actions et dragues commerciales. Cela n'enlève en rien quelques passages maladroits. En effet, il arrive au cours de la lecture que nous nous demandions comment Nigel a réussi à échapper au sort tragique qui l'attendait ou encore la transition un peu brutale du pouvoir qu'il est censé dominer.
Globalement, Wisher est un récit qui tient la route, pas désagréable à lire sans être innovant, et qui peut donner envie de connaître la suite. Dommage que le dessin, non dénué de qualité, soit victime d'un lynchage informatique dénaturant le charme graphique. Espérons que les tomes suivants connaîtront un sort plus enviable de ce côté. En attendant, les amateurs d'héroïc fantasy en quête de récits plus contemporains ne feront pas un mauvais investissement en achetant l'ouvrage si on l'accepte tel qu'il est. Décidément, les personnes trouvent toujours quelque chose à redire sur leurs cadeaux.