Western
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 20/08/2006 (Tags : western ouest national parc west film films
Un western poussiéreux, ambiancé et vicieux comme on les aime. Un classicisme assumé dès le titre qui ne peut bien évidemment pas surprendre mais qui déploie toutes les qualités pour passionner.
Jean Van Hamme et Gzregorz Rosinski, très certainement le duo encore en activité le plus connu de toute la bande dessinée franco-belge. Ensemble, le scénariste et le dessinateur ont créé Thorgal, mais aussi Le grand pouvoir du Chninkel, l'une des plus grandes fresques héroïc fantasy. Ensemble, les auteurs ont aussi investi un autre genre, celui du western, en lançant, deux ans après Hermann et son On a tué Wild Bill, leur histoire de wild west.
Chacun pour soi, Dieu pour tous
On retrouve dans Western les ingrédients mythiques du genre. Les personnages, tout d'abord, avec les outlaws, les cow-boys, le shérif et le héros solitaire et mutilé, incarné par Nate, l'arriviste manchot. L'intrigue se déroule en grande partie dans la ville de Wichita, dans un Kansas encore très sauvage. On retrouve toutes les places mythiques : la banque, le saloon et la grande avenue centrale. Western nous raconte le parcours d'un jeune as de la gâchette, bien que manchot, arrivé en ville avec plusieurs projets mystérieux derrière la tête. Le Western ressuscité par Van Hamme et Rosinsky est très loin de celui souvent pratiqué par les états unis jusque dans les années cinquante, avec des héros à la John Wayne, badman (mauvais garçon) ou good badguy (mauvais garçon repenti). Le Western de Rosinski et Van Hamme est entièrement dédié à la nature destructrice et arriviste de l'homme. L'homme qui tue de sang froid, l'homme opportuniste que seuls la gloire et l'argent intéressent. On ne retrouve pas non plus dans ce Western le maniérisme parfois comique ou la surenchère des films italiens spaghetti. Western, c'est donc une histoire de loups qui s'entredévorent. Et comme à l'accoutumée, le lecteur ne peut s'empêcher de s'identifier ni de s'attacher au personnage principal, également narrateur, pourtant pas moins vil et cynique que les autres. Sans jamais donner l'impression de renouveler, le scénario de Van Hamme se montre implacable d'efficacité. Composée en spirale, l'histoire nous emporte dans la vie de Nate, les événements s'enchaînent et s'imbriquent sans jamais vraiment surprendre mais en passionnant toujours.
Dans l'ombre et la poussière...
Techniquement, Western est une formidable réussite. Brillamment construit, découpé, dialogué et dessiné. Il y a eu, sur la série Thorgal, que ce soit du côté de Rosinski ou de Van Hamme, un relâchement qualitatif début des années 2000. Des albums comme Le mal bleu (1999) ou Le barbare (2002) donnaient au lecteur la décevante impression que les auteurs faisaient tout pour rallonger une sauce qui prenait commercialement très bien. Les planches de Rosinski (c'est flagrant sur Le mal bleu) donnaient de moins en moins matière à s'extasier. Le dessinateur a brillamment relancé la machine avec le diptyque de Skarbek, oeuvre peinte presque révolutionnaire, avec laquelle il a prouvé une nouvelle fois toute l'étendu de son talent et de ses possibilités. Esthétiquement, Western annonçait ce retour en force. Des tableaux, du même type que ceux qu'on a pu contempler avec Skarberk mais à la taille de vignette, divisent l'histoire de Western en actes, en s'intercalant dans l'histoire, entre chaque scène, sur de pleines doubles pages. On reconnaît bien la marque de Rosinski sur cet album, notamment pour les visages. Celui de Nate rappelle Jolan, le fils de Thorgal. L'entièreté de Western est embaumée d'un voile brun. Les planches se font poussiéreuses, les silhouettes crasseuses et abimées. Rosinski génère une esthétique qui, même si l'on reconnaît clairement sa patte, épouse bien le ton du récit et les codes du genre western.
Un western poussiéreux, ambiancé et vicieux comme on les aime. Un classicisme assumé dès le titre qui ne peut bien évidemment pas surprendre mais qui déploie toutes les qualités pour passionner. Une référence.