9/10Watchmen : Les gardiens

/ Critique - écrit par Kassad, le 17/07/2003
Notre verdict : 9/10 - A regarder de plus près... (Fiche technique)

Tags : watchmen film snyder gardiens heros rorschach cinema

Watchmen fait partie de ces oeuvres rares qui renferment plus qu'elles ne contiennent.

Dans 12 minutes il sera minuit. Les trompettes de la mort sonneront pour annoncer la fin de l'humanité. A moins que des super-héros ne soient là, encore une fois, pour nous sauver. Seulement voilà, les super-héros sont vieux et fatigués. Et il semblerait qu'une conspiration soit en marche pour éliminer les derniers encore en activité.

Cette bande dessinée de Moore (scénario) et Gibbons (graphisme) est une variation subtile et profonde sur le mode du comics. Dans une Amérique alternative du milieu des années 80, oú les américains ont gagné la guerre du Vietnam (grâce aux super-héros) et sont en pleine tension avec l'URSS, Moore nous déconstruit les mythes des super-héros avec une efficacité redoutable. Il en profite pour y glisser des quantités de réflexions/critiques sur notre humanité, finalement pas si loin de celle des Watchmen.


Le premier sujet d'étonnement est le suivant : les super-héros sont, pour la plupart, vraiment des gens comme les autres sans super-pouvoirs. Ils sont justes un peu plus idéalistes, et un peu plus tordus : pourquoi se déguiser pour combattre le crime ? A quoi ça rime ? Que se passe-t-il au moment de la retraite ? A noter l'évolution du "Hibou", qui de policier passe à justicier masqué. Dans les deux cas il s'habille en uniforme pour faire régner la justice, pourquoi celui de policier ne lui suffit-il pas ? Parce qu'il y a la justice des hommes et la sienne. Moore nous décrit des super-héros prisonniers de leurs impératifs moraux. Les relents extrémistes (Rorschach par exemple) et les tentations dictatoriales de ces hommes masqués effraient au moins autant que rassure la sécurité qu'ils sont censés nous apporter. D'ailleurs la société les a rejetés, ils sont désormais interdits d'activité. Comment vivent-ils ces désillusions ?

Mais ne retenir que la trame romanesque vous ferait passer à côté de merveilles plus grandes encore. Notamment la construction en elle même du récit, faite de répétitions et d'entrelacements (si je devais donner un équivalent vulgaire je dirais que ca correspond à du fondu-enchaîné, mais c'est bien plus réfléchi qu'une simple juxtaposition d'images), que ce soit dans les dialogues, les images voire le sens, donne une densité incroyable à cette oeuvre. RIEN n'est laissé au hasard, et je pense que plusieurs lectures sont nécessaires. Car si on est estomaqué par la fin, le simple rappel des épisodes précédents aurait dû vous mettre sur la voie. Il y a trop d'indices parsemés. Et encore, la version française doit engendrer de grosses
pertes de sens. Juste un exemple évident : "Watchmen", le titre, joue sur les mots, avec Watch qui peut signifier surveiller, regarder, mais aussi la montre. Car il s'agit d'une course contre le temps, contre les minutes avant l'armaggedon, mais aussi contre le vieillissement et le flétrissement des idéaux.

Finalement, n'en étant qu'à ma première lecture, je dois dire que mis à part ces remarques, ce qui m'a le plus touché (et quand on voit comme je suis admiratif du reste ça donne une échelle) est la touche poétique disséminée tout au long de cette oeuvre. Je pense aux amants d'Hiroshima, au dialogue entre Dr. Manhattan et Laurie dans son palais (concernant cette scène je ne suis toujours pas revenu de sa beauté), aux cauchemards de Dreiberg...

Je vais conclure cette critique mais je pourrais sûrement en écrire des pages et des pages. Watchmen fait partie de ces oeuvres rares qui renferment plus qu'elles ne contiennent. Ça vous parait géométriquement étrange ? Pourtant en vous touchant au plus profond elle s'enrichit de vous et vous d'elle, et il est bien connu qu'un et un font plus que deux.