Titeuf - Tome 10 - Nadia se marie
Bande Dessinée / Critique - écrit par Aurélie, le 11/09/2004 (Tags : titeuf tome zep nadia marie etat glenat
L'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire en matière de suite : de vieux gags réchauffés, des personnages qui tournent en rond et un scénario qui tiendrait sur un post-it. Une série qui s'essouffle.
En neuf tomes, Titeuf est devenu la coqueluche des petits et des grands. Les aventures du gamin à la mèche blonde ont rencontré un succès croissant depuis ses débuts, un beau jour de l'année 1992. Autant dire que depuis beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Avec "Nadia se marie", Titeuf nous revient... pas franchement au mieux de sa forme.
C'est beau... l'amour.
Titeuf est amoureux, on commence à le savoir. De la jolie Nadia, comme toujours. Variante : bientôt la boum de fin d'année, et Titeuf veut être le seul à danser avec l'élue de son coeur. Léger problème, il ignore comment on fait pour sortir avec une fille... Les copains, eux, n'ont pas l'air plus au courant. "Sortir avec une fille ?.. ben, c'est comme sortir un chien... mais avec une fille." Autre source d'inspiration, les "spécialistes", les personnages des films à l'eau de rose. Mais c'est quand même vachement compliqué. Au fond, "ça serait plus simple de sortir avec un garçon". Et puis, enfin, Titeuf se décide à aller voir Nadia pour lui proposer d'aller au cinéma. Hélas, trois fois hélas ! Il y a un homme dans la vie de la belle ! Même qu'ils dorment ensemble ! Sûrement son mari... Comment éliminer le rival ? Comment s'y prendre pour capter l'attention de Nadia ? (surtout, sans perdre la face devant les copains...)
Pour la première fois depuis la naissance de Titeuf, Zep (l'heureux papa, aka Philippe Chappuis) développe son scénario sur 48 pages, d'une seule traite. Exit la formule 1 page = 1 gag qui a fait le succès des tomes précédents. Mais ce n'est pas si simple. Vous avez pu vous en apercevoir avec le résumé, le scénario est très succinct. A peine de quoi tenir une vingtaine de pages sans fatiguer le lecteur. Pour remplir les 48 pages, l'histoire a donc été étirée en long, en large et en travers. Et il faut bien le dire : pour le coup, on s'embête méchamment (restons polis). Oui, chaque page amène son lot de gags, dessins sympa et mots justes (encore que...) mais cela ne suffit pas à faire une BD de qualité. Il n'y a pas de fond, c'est creux et mou, les rebondissements se font attendre et -pour ne rien arranger- la fin est prévisible dès la dixième page. Dommage, l'idée de départ aurait pu donner quelque chose de bien, si et seulement si elle avait été maîtrisée. Au lieu de quoi l'on assiste, impuissant, à un joli ratage scénaristique. Vous me trouvez dure ? Difficile de pardonner à une BD au potentiel aussi inexploité. Ce doit être la déception qui me fait parler. Peu importe ; un livre, quel qu'il soit, ne peut pas se passer de scénario construit sous prétexte qu'il table tout sur l'humour.
On prend les mêmes...
Comment sauver les meubles après ce naufrage ? Inutile de compter sur les seconds rôles. Seule la cousine de Titeuf sort du lot. Les autres, quant à eux, sont... fidèles à eux mêmes. Le petit monde de Titeuf n'a pas vraiment changé. Les copains restent les mêmes, moqueurs et frimeurs, entre autres qualités. Pour le renouveau, vous pouvez toujours courir. Triste constat : ce qui faisait rire dans les premiers tomes est désormais passablement usé et défraîchi. Vu que l'on connaît la chanson, difficile de s'attendrir de ces sales gosses, ou même d'en rire. Tout cela est si fade...
Quant à Titeuf, non, il n'a pas pris en maturité. Il ignore toujours tout de la vie (et plus particulièrement des filles). Bon, il est toujours attachant, mais... moins. Comme pour ses copains, nous étions en droit de réclamer notre lot de nouveautés. Or, à ce rayon là, rien. Ou pas grand chose. Toujours le même langage de cours de récré, les mêmes blagues, les mêmes jeux, les mêmes manières. Tout cela est tellement dommage... Cet album s'appuie beaucoup trop sur les blagues des anciens albums ; le prof qui a mauvaise haleine, le copain à l'appareil dentaire, le chanteur niais qui fait crier les minettes... Zep nous ressert sans scrupules les mêmes gags, malheureusement refroidis entre temps.
"J'veux mouriiiiiiir..."
Ce qu'il y a de bien avec les gens amoureux, c'est qu'ils deviennent tous, à un moment ou un autre, les plus malheureux de terre. Et nous voilà avec une nouveauté sur les bras : bienvenue dans le monde du pathétique ! Zep tente de faire souffler un vent de fraîcheur sur Titeuf, en donnant dans le sentimentalisme touchant des enfants. Au lieu de vent, il se retrouve avec une petite brise. C'est mignon, ce Titeuf qui déprime, qui se sent seul et tout ça, mais au fond, c'est un peu trop en décalage (comment ça, faudrait savoir ce qu'on veut ?!). Le problème, c'est qu'autant un peu de renouveau dans l'humour était souhaitable, autant ce pathétique larmoyant est mal venu.
Avec tout cela, on est bien content d'avoir 4 pages dans les tons de rose sur la visite imaginaire de Titeuf dans le corps de Nadia, mais cet épisode d'un intérêt moyen ne sauve pas l'histoire. Certes, il y a toujours quelques gags qui nous font sourire, mais pas de francs éclats de rire auxquels nous avions été habitués avec les précédents tomes. C'est regrettable.
Tiré à deux millions d'exemplaires, ce dixième tome de Titeuf sera probablement un succès commercial. Pourtant, il est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire en matière de suite : de vieux gags réchauffés, des personnages qui tournent en rond et un scénario qui tiendrait sur un post-it, voilà une série qui s'essouffle. Quant aux tentatives de sauvetages d'un Zep en toute petite forme, elles tombent malheureusement à l'eau. Cet épisode n'est pas franchement mauvais, il est juste décevant. Ca aurait pu, ça aurait dû même, être bien mieux. Au final, une BD aux qualités qui se comptent sur les doigts d'une main... De toute façon, moi, j'ai toujours préféré le petit Spirou. Na.