Sandman - 1993-1995 - Les bienveillantes
Bande Dessinée / Critique - écrit par Canette Ultra, le 12/03/2009 (Tags : vol sandman paris comics fiction tome gaiman
Le tome 9, loin de s'approcher de la fin de la saga, ajoute davantage d'interrogations. Des questions sur les héros et Dream en particulier mais aussi des questions sur les rêves.
La saga de Neil Gaiman parue dans les années 90 vient de voir l'un de ses derniers épisodes traduit en France. Neuvième épisode d'une série de 10 volumes, cet opus peut (mais non sans mal) se lire indépendamment. Nous retrouvons donc la suite des aventures de Dream, seigneur des rêves dans une histoire de vengeance et de rédemption.
Prélude à la guerre
Tout comme les grandes tragédies grecques, une phase d'exposition précède le drame à venir. A ce sujet, le résumé de la couverture ou la préface nous donne un peu trop d'informations sur la catastrophe à venir.
Les personnages sont à la fois féeriques comme les elfes, les corneilles parlantes ou Delirium la sœur de Dream. Ces derniers sont tous en quête d'affection et de questionnement et seul Dream semble détenir les réponses. Chez les humains, Lyta Hall est la principale protagoniste (au début du livre tout du moins, avant d'être rejoint par une sorcière et une écrivain immortel plus tard dans l'intrigue).
Tout le monde semble vivre sa petite vie mais le seigneur des rêves est le seul qui paraît las de tout. Il est ailleurs, quasi-rêveur et il paraît moins humain que jamais. Tout va s'accélérer lorsque le fils de Lyta va se faire enlever et que ce dernier va mourir. Mais où est la réalité dans tout ça, le corps est-il le seul à mourir ? La réponse sera non !
Le graphisme typique des années 90 et spécialité de la saga de Gaiman a peine à s'inscrire dans le réel dans cette première partie. Néanmoins, le monde des rêves et les délires que cela implique sont propices à son style découpé et si approximatif à la fois. Dream est plus sombre que Robert Smith de The Cure tandis que Lyta porte le masque de l'anxiété comme jamais.
La Guerre
Lyta ivre de rage, veut tuer celui qu'elle juge responsable de tous ses malheurs : Morphée (l'un des nombreux noms de Dream). Pour se venger, elle va à la rencontre des Bienveillantes, les 3 fileuses de la mythologie grecque (la distinction entre les Erinyes et les Parques est peu marqué car ces dames préfèrent le nom de Bienveillantes). Elles sont maîtresses des destinées mais aussi de la vengeance. Elles acceptent la demande de Lyta et rien ne pourra les détourner de leur idée pas même l'innoncence de Dream (si innoncence il y a). Très classiquement, elles sont représentées sous la forme de 3 femmes d'âges différents. Ici, le royaume des rêves est visé et malgré les morts qui vont s'accumuler, Dream ne va rien faire. Il va continuer sa petite vie et accepter les insultes de chacun (y compris Odin le dieu nordique).
Le seul atout de Dream, le Corinthien. Cet être humain aux yeux constitués de dents sera le détective de Morphée. Il sera chargé de retrouver l'esprit de l'enfant de Lyta. Pour information, cet enquêteur est une nouvelle version, étant donné que l'ancienne a essayé de tuer le maître des songes dans un précédent volume.
Lyta sera aussi représentée dans le réel où son personnage va errer avant d'être recueilli par une sorcière. Les errances de Lyta seront autant d'interrogations sur la notion de réel et de rêves. Tout cela n'est-il qu'un fantasme lié à la dépression de la perte de son enfant ?
Le rythme s'accélère tout comme les coups de crayon. On voit venir le dénouement tout en le refusant comme le fait Dream.
Apothéose et conclusion
La guerre sera un flot de morts et de carnages. Les interrogatoires sanglants du Corinthien et les massacres des Bienveillantes animeront les derniers chapitres de ce recueil. Ces cadavres seront ponctués de retour dans le monde réel et d'histoire parallèle à l'intrigue. Lyta reviendra petit à petit à la vie après avoir été un déchet dans la seconde partie.
Dream va donc petit à petit s'acheminer vers un destin qui semble inévitable mais la rhétorique du réel est telle que le rêve est une notion aussi floue et éternelle que le vide qui emplit le royaume des rêves à la fin du récit. Les derniers chapitres avec ses décors vides sont comme des symboles de la fin des temps. Les rochers sur lesquels évoluent Dream semblent aussi vivants que tranchants.
Plus la mort se presse vers le héros, plus la vie semble l'intéresser. Jamais Dream n'aura été aussi plein de vie, voire même humain.
Sandman est un comics quasi philosophique. Un voyage onirique en somme ! Le graphisme particulier peut choquer surtout que 15 ans se sont écoulés depuis la parution originale. Néanmoins, tout cela est parfaitement adapté à l'intrigue et au thème développé.
Un bémol également sur le fait que les précédents volumes ne sont pas nécessaires à la compréhension générale. En effet, sans les premiers volumes, il faudra quand même un petit temps d'adaptation pour bien replacer chaque personnage et son histoire.