8/10Le Petit Monde - Tome 1 - Vamos, vamos !

/ Critique - écrit par iscarioth, le 05/11/2005
Notre verdict : 8/10 - Piedra Pan ! (Fiche technique)

Le Petit Monde fait se côtoyer BD franco-belge et manga, innocence et violence extrême, richesse et pauvreté, avec un talent et une singularité narrative et structurelle qui semble être une revendication pour Cosmo, collection d'avant-garde en devenir...

Cosmo

Cosmo est la nouvelle collection de Dargaud, lancée cette année, qui a pour vocation de réunir dessinateurs et scénaristes de tous horizons sur des projets ambitieux, se rapprochant de l'univers manga, avec un rythme de lecture rapide et une pagination élevée. Philippe Tome et Marc Hardy avaient en avril dernier inauguré la collection avec leur premier tome de Feux : Fille des Reptiles. En cette fin d'année, la collection sort un nouvel opus, réunissant symboliquement la BD franco-belge et le manga, par l'intermédiaire de deux auteurs : Jean David Morvan et Toru Terada.

L'histoire

Dans un Japon du futur, vivent deux mondes imperméables séparés par une autoroute qui fait office de frontière. En haut, les riches, vivant dans un monde propre et douillet. Et en bas, les pauvres, abandonnés dans de sordides bidonvilles.

Deux mondes

Ce que l'on remarque tout d'abord, c'est l'efficacité des univers mis en place, malgré un discours de base manichéen et très utilisé depuis longtemps en cinéma, littérature et BD. Pour exemple, on se rappellera le film Demolition Man, avec Sylvester Stallone, qui jouait sur ce même concept d'extrême ghettoïsation sociale. On ne sent ici aucun recyclage. Le monde créé par Morvan et Terada est inventif et original, il ne ressert pas les clichés souvent repris en science fiction. On nous dévoile dans ce premier tome plus la vie des riches que celle dans les bidonvilles. Mais les quelques scènes ayant lieu dans les bas fonds (celle de la course poursuite) font déjà beaucoup référence à ce que l'on nous montre des favelas brésiliennes, avec des films comme la Cité de Dieu de Fernando Meirelles, par exemple. Tout cela, bien sûr, incrusté dans un univers de science fiction, voire d'anticipation. Le Petit Monde nous montre un univers propre et aseptisé pour les riches, avec des enfants impeccablement coiffés et habillés, alimentés, soignés et élevés par un « robot nounou » (qui rappellera le robot nurse d'Aquablue, l'humour en moins). Mais comme dans toutes les fictions parlant d'interdits, de tabous et d'enfermement, ce sont les enfants et leur appétit d'aventure et de découverte de l'autre qui vont tenter de passer outre les murailles. Dans cette direction, on retrouve d'ailleurs de nombreuses références à Peter Pan (la fée Tinn Tamm, El crocodilo...).

Nouvelle structure

Comme précédemment avec Feux, les 80 pages glissent complètement sous les yeux du lecteur. La narration repose essentiellement sur les images et leur enchaînement, moins sur l'écriture. C'est à ce niveau que la collection Cosmo semble être à la hauteur de ses ambitions : contribuer, dans une optique de rapprochement des univers, à l'élaboration et à l'expérimentation de la BD moderne. Une BD malléable, au format et à la pagination repensés. « La synthèse parfaite entre le manga et la BD occidentale » peut-on lire dans le communiqué de presse délivré par Dargaud. Une formule pertinente malgré sa commercialité. Le dessin de Terada n'est pas à mi chemin des deux univers, il réalise bien une fusion complète de ceux-ci. De plus, le dessinateur sait tout à fait jouer sur les contrastes, ce qui porte haut le degré de qualité de l'album. Des contrastes entre les grosses bouilles et les grands yeux pétillants des enfants, et leur confrontation directe à une violence sanguinaire, sans détours, parfois gore. Un décalage général, dans les traits et couleurs entre le monde des riches et celui des pauvres. Un bon point essentiel pour ce type d'histoire.


Le Petit Monde fait se côtoyer BD franco-belge et manga, innocence et violence extrême, richesse et pauvreté, avec un talent et une singularité narrative et structurelle qui semble être une revendication pour Cosmo, collection d'avant-garde en devenir...