8/10Péma Ling - Tomes 1 et 2

/ Critique - écrit par iscarioth, le 31/03/2006
Notre verdict : 8/10 - Péma Wins (Fiche technique)

Tags : pema ling bess tome georges sang larmes

Critique des tomes 1 et 2 : on sent un réel potentiel derrière ces deux albums. Péma Ling n'en est qu'au début de sa vie et on la sait promise à un avenir d'envergure.

Bess, un auteur à part entière

On connaît bien Georges Bess, surtout pour deux séries, scénarisées par Alexandro Jodorowsky : les excellents Juan Solo et Le lama blanc, deux titres à inscrire sur la liste des oeuvres les plus marquantes de la bande dessinée franco-belge. Bess a souvent fait équipe avec Jodorowsky sur ses projets BD. En plus des deux séries sus citées, on en notera d'autres au retentissement moins important comme Anibal Cinq ou Les Jumeaux magiques. Mais le dessinateur a aussi prouvé, ces dernières années, ses capacités de scénariste avec plusieurs one-shot : Bobi et Les chroniques aléatoires chez Casterman en 2004 et 2005 et surtout Escondida chez les Humanos en 1998. Péma Ling marque un nouveau tournant : c'est la première fois que Georges Bess s'investit dans une série en tant qu'auteur complet. Péma Ling s'affiche dès la couverture dans la lignée du Lama blanc : la même mystique et le même décor tibétain. Même si les deux séries partagent plusieurs points communs, elles ne sont pas à confondre. Péma Ling s'annonce pour le moment moins fantastique. La série raconte l'histoire d'une petite fille dont la famille a été assassinée et qui a été recueillie dans un monastère tibétain. Elle y grandit en canalisant sa haine au travers de la pratique du sengueï ngaro, une technique de combat axée sur la défense, pratiquée par les moines.

La Bess Touch'


Le style de Bess évolue peu. On reconnaît sa patte au premier coup d'oeil. Ce qui impressionne le plus chez Bess, c'est très certainement sa capacité à donner une âme à ses personnages. L'auteur excelle dans l'art du portrait, les visages de ses personnages sont tout simplement bouleversants de vitalité, d'intensité et de précision. Tourner la page d'un album dessiné par Bess et tomber nez à nez avec un gros plan provoque toujours un mouvement de recul, de fixation admirative. Autres points forts et caractéristiques, le gigantisme des décors et la richesse de le la coloration. Que ce soit sur les horizons paysagers ou sur les plans architecturaux, Bess fait preuve d'une grande maîtrise et sait mettre en place un environnement. L'ambiance est soutenue par une coloration, alternant tons chauds et froids mais se basant toujours sur des couleurs ocres, orangées ou brunâtres. Autre attrait caractéristique du style Bess, mais qui peut déranger cette fois, le classicisme de la mise en page. Un classicisme qui peut laisser à certains lecteurs, au feuilletage, une impression « vieillotte ». Il ne faut pas s'y fier.

Narration spirituelle

Pour accrocher à Péma Ling, il faut être capable de s'immerger complètement dans le récit et dans sa tonalité. Péma Ling est une bande dessinée très écrite, avec des dialogues fournis et surtout une narration très présente. Le ton employé est loin d'être neutre. Voici un petit morceau choisi : « Ce vent qui lit les textes imprimés sur les drapeaux de prières, qui fait courir les nuages sur les pics et les crêtes. Qui porte les grands oiseaux dans les cieux. Qui sculpte l'âme des hommes et des femmes des hauts plateaux ». La tonalité est résolument poétique, le discours tenu épouse la sage philosophie bouddhiste. L'intrigue de Péma Ling n'est pas pour autant stagnante, mais elle s'articule sans brusques retournements. Les lecteurs avides d'action et d'enchaînements auront certainement du mal à se sentir concernés. Pour les autres, Péma Ling, être hors du commun promis à une grande destiné, représentera une réelle curiosité.


On sent un réel potentiel derrière ces deux albums. Péma Ling n'en est qu'au début de sa vie et on la sait promise à un avenir d'envergure. Jusqu'où Bess va-t-il nous emmener dans la vie de son héroïne ? Très loin, on l'espère.