7/10Pandora Box - Tomes 7 et 8

/ Critique - écrit par iscarioth, le 10/03/2006
Notre verdict : 7/10 - La colère (Fiche technique)

Tags : tome box pandora alcante colere damour dupuis

Critique des tomes 7 et 8 : si la série « respecte ses engagements », elle ne brille pas pour autant par son sens de l'analyse et de l'originalité.

Ca y est ! Les deux derniers tomes de Pandora Box viennent de sortir. On va enfin connaître le point final de cette série à dessinateurs multiples mêlant sept mythes, technologies et pêchés capitaux. La colère est le dernier vice traité et la série se clôture sur une note résolument optimiste, comme nous allons le voir, avec un album intitulé « L'espérance »...

Tome 7 - La colère - Dessin de Damour, couleurs de Usagi


Cet album est très certainement le plus intéressant de toute la série, pour la bonne et simple raison qu'il parvient véritablement à surprendre. La colère est un péché introduit de manière explicative, comme dans la plupart des précédents albums de Pandora Box, La gourmandise en tête. Cette fois ci, la conférence porte sur les recherches de maladies infectieuses et leur possible utilisation terroriste. C'est donc le virus et son utilisation guerrière qui est au centre de cet album, qui sort en librairie au moment même où les médias lancent la psychose de la grippe aviaire sur toute la France. Trois personnages principaux prennent place ici : Palm Gleam, qui travaille sur les maladies infectieuses dans un laboratoire américain pour lutter contre le terrorisme bactériologique, Thimoty, un très jeune garçon atteint d'une malformation et son père, qui lutte pour le préserver de la mort. Dans la continuité des précédents albums, le profil psychologique des personnages n'est pas très fouillé. La relation paternelle et le rapport à la maladie présentés ici, débordent de pathos. On retrouve l'habituel thème de l'innocence et de la pureté détruites par la folie des hommes et le tragique concours de circonstance. Rien de très passionnant pour ce qui est des personnages, donc. L'intrigue en elle-même est cependant beaucoup plus percutante. Parfaitement rythmé et découpé, La colère fait s'enchaîner plusieurs saynètes qui ne prennent de sens réel que rassemblés, vers la fin de l'album. "Une mécanique implacable" comme on dit devant un bon film à suspens. Il est aussi à noter que pour la première fois depuis le début de la série, une réelle continuité s'installe entre deux albums : on retrouve des éléments de l'intrigue du tome six dans le tome sept. Coté dessin, on retrouve le déjà très aguerri Sébastien Damour, dessinateur de la série Nash. On reconnaît plutôt bien son style, très efficace pour ce qui est de l'expressivité des visages et du rendu des plans panoramiques et urbains. Un peu comme avec
L'avarice d'Erik Juszezak, la coloration d'Usagi fait un bon mariage avec le trait de Damour, malgré, encore une fois, cette froideur et ces quelques simplicités infographiques.

Tome 8 - L'espérance - Dessin de Pagot, couleurs de Araldi


Comme pour boucler la boucle, ce dernier album est réalisé par Didier Pagot, celui qui a introduit la série avec le tout premier opus, L'orgueil. On retrouve l'enfant du premier tome, Adam Stream, alors qu'il a atteint l'âge de vingt ans. Retrouvé par un journaliste peu scrupuleux, Adam apprend tout sur ses origines et n'a pas le temps de se remettre du choc, une gigantesque inondation (le coup classique du barrage qui lâche) déferlant sur sa petite ville... L'espérance est écrit comme un film catastrophe américain : un cataclysme fulgurant, une population locale désemparée, la recherche de solutions, le déploiement des moyens et, bien entendu, les actes d'héroïsme. On attendait quelque chose de scénaristiquement fédérateur, pour cet album de conclusion, qui puisse justifier et rassembler toutes les histoires qui nous ont été contées jusque là. Et bien non, L'espérance se contente juste de poursuivre l'histoire entamée avec le tout premier tome de la série, en concluant sur une note d'optimiste béate. Le dessinateur étant le même, on reprochera à Pagot les mêmes choses : un dessin correct mais loin d'éblouir ou d'émouvoir. Quant à la teneur fictive de l'album, sa façon de mettre en scène l'avenir proche est certainement la mieux dosée de la série. La vie dans vingt ou trente ans est sensiblement la même que celle d'aujourd'hui, à quelques détails technologiques près : visiophones portables, véhicules vitrés en bulle... Une vision pesée qui évite les clichés habituels des voitures volantes et autres robots aspirateurs...

Bilan final

Comme nous l'avons dit dans notre bilan de mi-parcours, Pandora Box contient en germe un petit paradoxe. La série à dessinateurs multiples est un exercice intéressant pour le lecteur qui peut retrouver, sur une même histoire ou un même thème fédérateur, différentes interprétations graphiques. L'intérêt narratif et artistique de ce passage de relais a été clairement démontré par le Quintett de Giroud. Mais pour qu'impact il y ait sur le lecteur, encore faut il que celui-ci soit attaché aux graphismes qu'il rencontre. Il faut donc faire se joindre des dessinateurs jouissant d'une certaine notoriété, d'une « griffe » reconnaissable. Avec Pandora Box, on n'a pas affaire à des pointures de la bande dessinée. La plupart des dessinateurs ayant travaillé sur Pandora Box ont livré de faibles performances graphiques (Pagot, Radovanovic), peu ont su tirer leur épingle du jeu (Damour, Juszezak). Scénaristiquement, le pari d'Alcante ; réunir sept mythes, technologies et péchés capitaux, est réussi. Mais si la série « respecte ses engagements », elle ne brille pas pour autant par son sens de l'analyse et de l'originalité. Il y avait beaucoup à dire sur chacun des thèmes choisis, mais la plupart des albums tournent autour d'histoires moralisantes et niaises, qui n'apportent pas matière à questionnement chez le lecteur. Le message de chaque album est doux, humaniste, plein d'optimisme naïf, d'héroïsme et de romantisme. Alcante est un scénariste très imbibé des codes du cinéma américain de type "blockbuster" : la grandiloquence, l'héroïsme, les prises de décision fatidiques, la technologie et l'organisation, les regards fermes, les grands décochages de phrase, les ambiances inspirées de films thriller (L'orgueil), sportifs (La paresse) et catastrophes (L'espérance)... Comme pour palier un manque de créativité, les albums de Pandora Box sont documentés à l'extrême. Certains tomes (L'avarice, La gourmandise) se noient sous les informations. On a l'impression de consulter une brochure pédagogique ou de vulgarisation autour d'un thème savant. Les dialogues, bien trop écrits et explicatifs, sont peu crédibles. Pour résumer, la série est documentaire à défaut d'être inventive. Preuve de cette stérilité scénaristique, l'album final, qui, loin de souder les albums de la série entre eux, nous donne la frustrante impression d'avoir parcouru une série de one-shot qui n'ont rien d'autre en commun que l'illustration des sept péchés capitaux. On n'en apprend pas plus sur le personnage de la clocharde en lisant les huit albums plutôt qu'en ne se limitant uniquement qu'à l'un d'eux. Comme point positif, on retiendra le découpage très rythmé, qui génère toujours une certaine facilité de lecture et développe un réel engouement pour l'intrigue.