7.5/10Minik

/ Critique - écrit par riffhifi, le 10/10/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Minik n’est pas une ville en Allemagne (Fiche technique)

Tags : minik histoire peary jeux york jeunesse richard

Minik l'esquimau n'a rien à faire dans le New York de 1898 : la poésie des dessins d'Hippolyte sert parfaitement le texte de Richard Marazano dans cette nouvelle publication d'Aire Libre.

La collection Aire Libre, il faut bien l'admettre, ne laisse guère filtrer de cochonneries. Le scénariste Richard Marazano, que l'on a vu partout ces derniers temps : chez Dargaud pour Le complexe du chimpanzé et Cutie B., chez Carabas pour Aguirre et chez Soleil pour Hanté, fait donc ici un tour chez Dupuis en compagnie du dessinateur Hippolyte, élève de Christian Lax et auteur d'un Dracula remarqué. Ensemble, ils narrent les déboires d'un petit Esquimau dans l'Amérique de 1898. Quand on parle d'Esquimau, il est bien entendu qu'il ne s'agit pas d'un bâtonnet glacé, dont la survie à New York serait un sujet assez peu palpitant, mais bien d'un habitant du pôle nord, aïeul de Nanouk et également désigné sous le nom d'Inuit.

Minik n'est pas la fiancée de Mikek
Minik n'est pas la fiancée de Mikek
Lorsque la mission d'exploration de Mr Peary revient du fin fond de l'Atlantique, elle ramène en Amérique une poignée de barbares emmitouflés dans de gros manteaux, arborant un air rude et (rendez-vous compte) ne parlant pas un mot d'anglais. Ils sont traités avec le même type d'irrespect que les Indiens avant eux, et ne semblent pas apprécier outre mesure les bienfaits de la civilisation. Parmi eux, le sage Qisuk tente d'expliquer à son jeune fils Minik les raisons de leur présence sur ce sol inhospitalier, mais ce dernier reste nourri de souvenirs enneigés pleins d'igloos protecteurs... Jusqu'au jour où un virus décime ses semblables, le laissant seul dans un monde qu'il ne maîtrise pas.

Inspiré d'une histoire vraie, Minik peint de l'Amérique d'antan un portrait peu flatteur : sans aucune considération pour le peuple étrange qu'ils viennent de rencontrer, les new-yorkais ne veulent voir en eux que des curiosités tout juste Minik n'est pas le contraire de Maxik
Minik n'est pas le
contraire de Maxik
bonnes à exposer au musée. L'album ne verse pas pour autant dans le pamphlet ni la leçon de morale, car l'ambiance distillée par les douces images d'Hippolyte privilégie la poésie éthérée, axée sur le ressenti de Minik plutôt que sur la condamnation des gens qui l'entourent. Il a d'ailleurs la chance d'être recueilli par de bonnes gens, qui font ce qu'ils peuvent pour l'aider à s'intégrer sans pour autant perdre son identité.

Avec un ton doux-amer distancié, le récit de Marazano suit avec délicatesse le parcours de cet enfant, auquel on s'identifie peut-être trop peu en raison de son quasi-mutisme. La narration est subtile et ingénieuse (voir la façon dont le langage esquimau est simplement représenté dans un alphabet stylisé), et réserve quelques moments vraiment forts exacerbés par un joli travail de couleurs de la part du dessinateur. Décidément, Aire Libre passe une jolie année pour ses 20 ans ; à l'instar des autres albums de la collection parus cette année, Minik est disponible en édition limitée agrémentée d'un texte de Marazano et de plusieurs très beaux dessins originaux.