8/10Megaron - Tome 2 - L'antistase de l'héritier

/ Critique - écrit par riffhifi, le 19/09/2009
Notre verdict : 8/10 - De l’art et du cochon (Fiche technique)

Tags : mathieu sapin megaron pion patrick dargaud tome

Mathieu Sapin et Patrick Pion livrent la suite et fin d'une bande dessinée atypique et salvatrice, qui brasse les codes du conte fantastique pour en sortir une dinguerie féroce dont on aurait bien repris une lampée.

Deux ans. C'est le temps qu'il aura fallu attendre cette deuxième et dernière partie de Megaron, un odni (oui oui, objet dessiné non identifié) pour lequel on aurait volontiers embarqué sur une série de tomes bien plus longue. Au scénario, Mathieu Sapin, qui sait aussi dessiner puisqu'il assure lui-même Supermurgeman, La fille du savant fou, Le journal de la jungle, etc. Au dessin, Patrick Pion, qui sait aussi écrire Mégaprofond
Mégaprofond
puisqu'il le fait sur Chrome et Mezzotinto. Deux gars qui connaissent chacun leur métier et celui de l'autre, et inversement. Les deux protagonistes de Megaron sont eux aussi capables d'inverser les rôles : Ronnie le géant à tête de cochon et Jason le prince défiguré sont toujours compagnons d'infortune, chargés de ramener à la cour du roi la fameuse mouche Melanogaster Rex, mais là où le premier tenait la vedette du premier tome, le deuxième semble davantage au centre du deuxième. Ayant eu accès à la connaissance universelle l'espace d'une microseconde, Jason "le magnifique" se voit doté de compétences qui permettent au duo de se tirer de quelques mauvais pas. Pendant ce temps, Azor l'homme-hyène et Metrius le sorcier ourdissent chacun dans leur coin de tristes complots, tandis que Tamina s'apprête à donner la vie...

« La supériorité de l'esprit sur le corps peut se manifester de façon parfois surprenante... Une phrase, un mot peuvent relever un mourant plus sûrement que le plus puissant des remèdes... »

Si les composantes essentielles du conte sont bien réunis (la quête sacrée, le roi menacé, la damoiselle en détresse, les affreux sagouins assoiffés de puissance), le traitement que lui appliquent Pion et Sapin défie toutes les lois du genre, et possède un souffle furieux qui a de quoi réjouir le lecteur suffisamment ouvert d'esprit. Outre le ton résolument léger avec lequel les personnages abordent les situations (Ronnie n'est pas loin de faire penser à Hellboy, avec son allure de caïd râleur et ses poignets enserrés de large bracelets de chaînes), la frénésie des péripéties et Mégabon
Mégabon
le bouillonnement d'imagination font du voyage une expérience réjouissante, pleine de gags débridés et de cervelle explosée.

« Dès que j'aurai récupéré mon marmot, j'irai mettre sa pile à Azor. »

Entre le rêve et le cauchemar, entre l'aventure enfantine et les préoccupations adultes, les auteurs gravent un monde unique, sombre mais vivant, où les amulettes ne protègent pas éternellement leurs détenteurs de leur destin, et où l'on n'est pas sûr que le Bien triomphe toujours du Mal, ni surtout le Beau du Laid. Une telle énergie, une telle spontanéité font regretter que la saga ne se prolonge pas davantage, là où tant de séries étirent sans scrupule leurs quelques qualités sur plusieurs dizaines de tomes...