8.5/10Chrome - Tomes 1 et 2

/ Critique - écrit par iscarioth, le 05/05/2005
Notre verdict : 8.5/10 - Quand il n'y a plus de place en enfer... (Fiche technique)

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Critique des tomes 1 et 2 : quand il n'y a plus de place en enfer...

L'histoire

Dans un futur apocalyptique, un virus se répand partout, décimant puis faisant revenir à la vie des morts déchaînés, assoiffés de sang. Au coeur du tumulte résistent le prisonnier Caine et l'agent cybernétique Iris.

When There's No More Room in Hell...

A la lecture des premières pages du premier tome de Chrome, les références fusent dans nos têtes. On pense à beaucoup de films américains d'anticipation, tels Robocop, Total Recall, Demolition Man... Espace colonisé, climat détraqué, air irrespirable, cauchemars urbains, entreprises surpuissantes... Dès les premières pages, on comprend dans quel type de futur se déroule Chrome. Mais la série ne va pas s'attarder à dépeindre, sous diverses coutures, les moeurs et politiques du futur. Le lecteur va découvrir l'univers imaginé par Pion en avançant dans une intrigue bien menée. Dans les premiers moments, Chrome prend le chemin d'une espèce d'enquête policière. Mais, rapidement, on sombre dans un récit faisant fusionner l'horreur et l'action. Rares sont les séries captivantes. Encore moins nombreuses sont celles qui arrivent à terroriser le lecteur. Dès les premières secousses, avec le tome 1 et la progressive descente aux enfers des personnages, le lecteur est scotché. Chrome joue sur le même registre d'émotions qu'un bon film d'horreur. L'un des moments forts, dans ces deux premiers tomes, est l'arrivée des zombies dans le central, à la fin de Matera Prima : dépeçage, anthropophagie, coulées de sang, apparitions fantomatiques... Explosion de l'horreur, des couleurs... et de la terreur... Chrome déploie à de nombreux moments un spectacle visuellement hallucinant et digne des plus prestigieux zombie-movies. Les amateurs du genre pourront d'ailleurs trouver de nombreux points de comparaison avec la trilogie de Romero.

La Panacée visuelle

La couverture de Dissection, le tome 2, l'annonce bien : Patrick Pion est, plus qu'un dessinateur, un véritable artiste peintre. L'auteur réalise lui-même la coloration de Chrome, série dont il maîtrise à 100% la conception. Les deux tomes de Chrome sont parsemés de tableaux peints par Pion, ancien élève des Beaux Arts d'Angoulême. Le trait de Pion, très nerveux, presque griffonné, renvoie à l'école contemporaine américaine, sans donner l'impression de s'enfermer avec fadeur dans le genre comic. Patrick Pion impressionne beaucoup le lecteur avec des scènes-choc, des pleines pages détaillées et colorées (tome 2 : pages 14, 44, 47). C'est avec une maestria dantesque que Pion réinvente l'apocalypse : une architecture futuriste tout en métal, une nature absente, des corps humains aux muscles explosés, des couleurs orangées et rougeâtres qui semblent vouloir faire deviner l'enfer... La plus grande qualité de Chrome, c'est peut-être celle de mettre en scène, d'établir une histoire, sans forcément vouloir tout expliquer. Matera Prima, chose extrêmement rare pour un premier tome, est loin d'être très explicatif et nous plonge rapidement dans l'action. Pion n'explique que peu la situation et les personnages : il les met en scène et le lecteur comprend les choses sur le vif. Ce manque de passages explicatifs déplaira à certains lecteurs. Pourtant, Chrome, avec ce modèle, est beaucoup plus crédible que toutes ces séries post apocalyptiques qui s'amusent à faire disserter des personnages sur la situation au beau milieu d'un tremblement de terre...

Le mot de la fin ?

« Fin ». C'est bien ce qui est écrit, au bas de la dernière planche du deuxième album. Pas « fin de l'épisode », ni « fin du premier cycle » mais « fin ». En refermant Dissection, c'est un sentiment d'inachevé qui nous envahit. A de nombreux moments, Patrick Pion arrive à s'échapper par la porte de l'onirisme et à brouiller les pistes : le début comme la toute fin de Dissection, est difficilement compréhensible alors que le reste de l'album s'articule en parfaite lucidité. Un onirisme terrorisé, graphique et narratif, qui excite chez le lecteur l'envie de comprendre. Tout ceci ne demeurera qu'un cauchermard éveillé puisque l'aventure Chrome est bien finie. La faute à des ventes trop faibles ? Hypothèse probable.


Au cinéma, le zombie est un véritable genre, avec ses codes, ses périodes fastes et pays fétiches. Du coté du neuvième art, nos amis les morts vivants n'ont pas le privilège de faire école. Voir des zombies dans une BD, c'est rare et souvent ridicule (la récente série Les Zombies qui ont mangé le monde). Chrome est peut être une bande dessinée qui va faire date à ce niveau. Pour la première fois, un auteur BD réussit à générer terreur et suspense avec de véritables scènes sanguinolentes et d'anthropophagie.

Quand il n'y a plus de place en enfer...