8/10La Marche du crabe - Tome 1 - La condition des crabes

/ Critique - écrit par athanagor, le 17/12/2010
Notre verdict : 8/10 - Le droit chemin (Fiche technique)

Suite au succès du court-métrage La révolution des crabes, Arthur de Pins prépare une version longue, qu'accompagne cette version BD qui ne perd rien au change.

C'est à la suite du court-métrage La révolution des crabes qui obtint, entre autres, le prix du film d'animation d'Annecy en 2004, qu'Arthur De Pins a décidé de s'attaquer à une version longue. Et pour accompagner ce projet, il a décidé d'en produire une version BD, sous la forme d'une trilogie, dont voici le premier volet.

Bien qu'il soit impossible de trouver la plus petite ligne sérieuse appuyant le postulat de départ, celui-ci n'en reste pas moins marrant, et ce d'autant plus qu'il est assez crédible : une espèce de crabe dite « cancer simplicimus vulgaris » s'avère incapable d'exécuter le moindre virage. Ainsi, ses membres sont condamnés à parcourir, toute leur vie durant, la même ligne droite, aller et retour. Dans cette disposition particulière, l'inégalité joue à plein, car selon leur lieu de naissance, certains traverseront un océan et mèneront une vie riche d'expérience, et d'autre ne pourront se promener que sur l'espace de quelques mètres entre deux rochers. Autant dire que dans ces conditions, les rencontres sont rares. D'ailleurs, ces crabes ne se sont jamais donné la peine de se trouver des noms, qui ne leur serviraient en définitive à pas grand-chose. Pourtant un jour surviendra un visionnaire qui, à défaut de pouvoir
 tourner, entreverra un début de solution à ce problème héréditaire, donnant tout son sens à l'expression « l'union fait la force » et jetant un peu d'égalitarisme dans leurs vies pourries.

Grâce à ces petits personnages débiles, parfois capables de réparties cinglantes, dans cet univers où les tourteaux sont des caïds et les huîtres sont complètement connes, de Pins élabore de quoi occuper son lecteur sur 110 pages, avec un début de récit riche et bien articulé. Sur l'équivalent d'une dizaine de scènes, ce premier acte se conclut sur le même évènement qui terminait le court-métrage, à la différence que les raisons dudit évènement sont ici plus élaborées et plus comiques (enfin ça dépend pour qui). Ce final est d'ailleurs un point supplémentaire de croisement entre deux mondes, celui des crabes et celui des humains, qui ne cessent de s'influencer tout au long de l'album. Dans l'ensemble, ces recoupements et l'enchaînement des situations qu'ils provoquent démontrent un réel travail d'élaboration de l'histoire, au-delà du développement de l'idée de base. Et au final, tout cet agencement est si bien pensé et présenté qu'on ne se rend compte de sa pertinence qu'après la lecture, en repensant bien à l'histoire.

Ce fil naturel et simple le long duquel le lecteur est invité à se promener se fait alors aussi évident que la ligne droite que le crabe ne peut que suivre, en évitant de se poser trop de questions et en essayant de profiter de ce qu'il peut. Et en l'espèce on aurait pu tomber bien plus mal, car il faut dire que le sens comique de l'auteur est incroyablement communicatif, aussi bien au niveau des graphismes que du texte, allant parfois se loger dans les manifestations comportementales suscitées par la psychologie de ces crabes unilatéraux. Ainsi, en plus de vouloir connaître la suite des évènements, on est aussi motivé par la certitude que l'on va encore passer un bon moment.