Mammouth & Piston
Bande Dessinée / Critique - écrit par Maixent, le 09/07/2010 (Mammouth & Piston : Moto, Alcool, Manger, Meuf, Outlaw, Ubuesque, Trip, Harley, & Pote, Irresponsable, Sli Bar, Tarte, Obsédé, Nihiliste...
D'après une source sûre, il semblerait que la réaction de Coyote face à la parution
de l'intégrale de Mammouth & Piston en format réduit aurait été en gros : « C'est très bien, mais pas l'idéal pour les vieux comme nous qui ont du mal à lire ». Alors là, je me gausse, tout le monde sait qu'un biker n'est jamais vieux et que la vue n'est pas chose primordiale pour un lecteur assidu qui trouvera toujours une solution pour lire ses bds préférées, ni d'ailleurs pour un motard qui se fiera à son instinct pour trouver sa route, et puis les voitures n'ont qu'à se pousser. Et puis ne dit on pas « Vieux motard que jamais » ?
Pour ceux qui ne seraient pas motards et ne connaissent pas Mammouth et Piston, ni l'œuvre de Coyote, un petit arbre généalogique pour commencer. Mammouth a une sœur qui fréquente plus qu'assidûment Hulk (pas celui qui est tout vert, celui qui a une grande barbe), Hulk étant lui-même le « frère de sang » de Chacal, père de Litteul Kévin. Bref, tout ça, c'est la même famille de bikers buvant du Jack au ptit déj sans perdre leur âme d'enfants. En ce qui concerne Piston, c'est un rat, alors pour trouver son arbre généalogique...
L'un des points forts de cet intégral, à mon sens, est de voir l'évolution du dessin de Coyote, d'abord un trait un peu sale et crapoteux où les angles sont bien marqués, rappelant une certaine bande dessinée punk urbaine des années 80 et des auteurs comme Matt Konture. Puis, un trait qui s'affine au fil des pages, les membres qui se délient, les motos qui s'étirent donnant une impression de vitesse, les courbes des demoiselles (même si dans des proportions invraisemblables) qui deviennent de plus en plus voluptueuses. On n'est pas encore dans le style des Voisins du 109 dont le squelette est inexistant mais on sent déjà une certaine fluidité qui, mise au service de la caricature et de l'humour, marque vraiment le style Coyote.
Chili : 30 k de bison, 10 caisses
de Jack, quelques haricots...Un style qui se reconnaît aussi dans un langage bien particulier, la jactance de Coyote est irremplaçable, de même que ses jeux de mots vaseux qui demandent parfois un réel effort de compréhension, bourrés de références culturelles. En effet, Coyote manie la langue avec virtuosité et les pires vulgarités passent ici très bien. Tous ces gros dégueulasses à la bedaine pendouillante éructent insanités sur insanités, que ce soit verbales ou autres mais toujours avec un côté bon enfant grâce à la finesse de l'auteur. Ecrivant ces lignes, je relis distraitement l'album et tombe par hasard sur la manière la plus efficace pour se débarrasser d'une donzelle d'un soir. Je retire tout ce que je viens de dire sur la finesse de l'auteur.
On s'attache finalement à ces personnages rustiques et parfois un peu cons mais
"Miss bac à sable" ou un réveil glorieuxayant des relations d'amitié saines et le cœur sur la main. Certes ce ne sont pas des personnages moraux, ni un exemple pour la jeunesse selon les honnêtes gens, mais on ne peut s'empêcher de les aimer et de relire ces petites histoires avec toujours autant de plaisir. Souffle sur ces albums un vent de liberté et un côté anar sympathique, le tout avec un rythme narratif étudié, donc on ne se lasse jamais, même après la 143ème relecture. Comme pour un album d'Astérix ou de Sœur Marie-Thérèse, il y a toujours le jeu de mot que l'on n'avait pas vu la première fois, ou le détail qui tue permettant une lecture différente à chaque fois.
Un intégral qui fait autant de bien qu'un méga chili de bison, à déguster entre deux cuites et une partie de jambes en l'air. Que du bonheur.