Les petits hommes - Intégrales 1 et 2 (1967-1973)
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 27/05/2010 (Renaud et ses petits amis ont déjà 43 ans (diantre) et, vous allez rire, 43 albums au compteur. Dupuis consacre donc une intégrale à la série de Pierre Seron, qui a le mérite de la longévité à défaut d'avoir celui de l'originalité.
Après les intégrales consacrées à (inspirez) Yoko Tsuno, Tif et Tondu, Spirou et Fantasio, Natacha, Johan et Pirlouit, Gil Jourdan, docteur Poche et Lucky Luke (expirez), et avant celles d'Attila et Jerry Spring, voici la collection dédiée aux Petits Hommes de Pierre Seron. Loin d'être la série-phare du journal Spirou, elle en
occupa néanmoins les pages durant une quarantaine d'années, accumulant assez d'épisodes pour constituer 43 albums. En réalité, ces 43 albums ne furent même pas suffisants pour caser toutes les histoires parues dans le magazine. Mission de l'édition intégrale (les deux premiers volumes sont parus simultanément) : republier tous les épisodes dans l'ordre chronologique originel, quitte à ce que les inédits soient d'une qualité d'impression fichtrement discutable ; certes, il ne viendrait pas à l'esprit de réclamer les films de Chaplin en 3D haute définition, mais il est regrettable que des planches datant de la fin des années 60 ne puissent être retrouvées dans un meilleur état que celui proposé ici. Même déception (relative) sur les dossiers d'introduction, qui sont un cran en-dessous de ce que Dupuis avait produit jusque là : quelques fautes d'orthographe, une bourde commise à deux reprises sur le nom de Raymond Leblanc (appelé Maurice Leblanc !)... L'ensemble reste cependant une agréable documentation, et constitue une valeur ajoutée par rapport à la plupart des intégrales sur le marché.
Les Petits Hommes, créés par Seron, sont toutefois scénarisés durant plusieurs années par d'autres que lui : Albert Desprechins d'abord, puis Mitteï (œuvrant généralement sous le pseudonyme de Hao pour cette série). Victimes d'une météorite dont le contact les a rétrécis (5 cm si l'on en croit les premières histoires, plutôt 15-20 par la suite), les habitants de Rajevols se sont organisés pour rester cachés du monde des "Grands", en vivant une sorte d'utopie dans le mini-village appelé Eslapion (puis, très vite, dans son remplaçant Eslapion 2). Outre le côté très "schtroumpf" de cette communauté miniature, qui vit en parfaite harmonie et fait preuve d'une gentillesse et d'une bonne volonté quasiment écœurante, on remarque le syndrome de Peter Pan à peine déguisé que constitue le fantasme contenu dans l'histoire : rester petit (ou même, en l'occurrence, "devenir petit") pour toujours, et vivre en marge du royaume des "grands", qui sont pour la plupart méchants et/ou imbéciles. Ces thématiques mettront bien du temps à évoluer, et les
six premières années représentées dans les deux intégrales parues se contentent d'intrigues simplettes et bon enfant qui n'ont rien pour décoiffer le lecteur de BD franco-belge tout public.
Le dessin, comme il a été beaucoup dit depuis les débuts de la série, ressemble à s'y méprendre à du Franquin. Seron le sait, il l'assume, son graphisme est un copié-collé du style du maître, et la seule évolution qu'il ait suivi n'est allée que dans le sens de ressembler encore plus au trait du Franquin des années 70, puis 80. Les Petits Hommes détient le record, avec Joe Bar Team, de la BD la plus "franquinienne" de tous les temps, au point que certains lecteurs ont pu s'y tromper. De l'auteur de Gaston Lagaffe (dont le petit homme Renaud est un quasi-sosie), on retrouve également une haine des militaires, que l'on peut cependant trouver un peu systématique et candide...
Pour les amateurs inconditionnels, ces deux recueils constituent une pièce rare : outre des histoires parues précédemment dans les tomes 1, 2, 3, 8, 15, 19 et 22, elles regroupent 152 pages inédites en album jusqu'ici. Pour les autres, les volumes suivants marqueront l'évolution de la série vers un peu plus de fantaisie et de liberté.