Jazz Maynard - Tomes 1 et 2
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 29/04/2008 (Tags : jazz maynard home tome eur roger raule
Et si le meilleur de la bande dessinée franco-belge venait d'Espagne ? En tout cas une chose est sûre : au pays des conquistadors, on ne trouve pas que Mafalda, mais aussi du bon polar bien noir.
Raule et Roger sont deux noms qui méritent de se faire connaître en France : les deux compères sont espagnols et roulent leur bosse ensemble depuis dix ans, le premier au scénario et le deuxième au dessin. C'est en 2004 que Jean David Morvan les remarque et fait leur promo auprès de Dargaud, relayé en cela par François Boucq : le résultat est là, la trilogie Jazz Maynard paraît en France depuis l'an dernier et jusqu'à l'an prochain, chaque tome ayant à peine deux ans de retard sur sa date de confection. Mais quand on aime, on ne compte pas le temps de traduction, et dans le cas présent, on aime un max.
Jazz (c'est un surnom, il joue de la trompette) Maynard revient à Barcelone après dix ans d'absence. Il ne revient pas les mains vides puisqu'il ramène sa sœur tout juste sauvée d'une bande de prostitueurs américains. Il ne revient pas non plus les trousses vides puisqu'il y porte à la fois des Américains mécontents de son passage chez eux, des gangsters samouraïs, des mafieux locaux qui agissent pour un certain Judas... et la police, accessoirement. Pour se sentir moins seul, il
Et la manière, mec.entraîne dans son calvaire son vieux pote Teo, qui partage avec Jazz une nonchalance salutaire et un passé manifestement chargé.
Jazz Maynard, on l'aura compris, c'est du polar, du qui traîne dans les bars le soir, du qui n'aime pas le vert pomme ni le rose fuschia. C'est de l'histoire virile avec des femmes qui ne s'en laissent pourtant pas conter, de l'intrigue concentrée à base de flashbacks cimentée par de solides scènes d'action et de suspense. C'est enfin et surtout un dessin expressif et élégant, vigoureux et maîtrisé, qui puise à différentes sources pour finalement trouver son style propre ; on dit aussi que le personnage principal serait inspiré de l'acteur Adrien Brody, avec son flegme charmeur et son physique trompeur d'anguille anorexique, mais la ressemblance n'est pas flagrante comme dans certaines autres BD où le dessinateur a vite fait d' "emprunter" le visage d'une star à des fins le plus souvent commerciales. Jazz Maynard, le personnage comme la bande dessinée, cache une énergie et une fureur insoupçonnables sous des dehors calmes et statiques (voir les couvertures des deux tomes parus, où le héros jette un œil implorant au lecteur en peinant à maintenir sa carcasse debout) ; pourtant, nul ne lui arrive à la cheville, à la trompette (on ne l'a pas encore entendu jouer de la sienne, pourtant) comme au flingue. Il y a là du Clint Eastwood et du Cowboy Bebop, du Tarantino et du Frank Miller. Et le tout, encore une fois, garde un parfum unique, localisé dans une Barcelone peu engageante dans laquelle on
Clin d'oeil à Tarantinoaurait pourtant aimé grandir avec les héros.
Si le premier tome pose les bases et cultive le mystère entre deux longues scènes d'action, le deuxième s'attache à développer les personnages à coups de vrais flashbacks et de scènes explicatives. Il y a entre les deux tomes une différence comparable à celle qui existe entre les deux Kill Bill : le premier est de l'ordre du ressenti et du formel, tandis que le deuxième est plus narratif et explicatif. Mais dans le cas présent, un troisième volet attend le lecteur trépignant, plein de la promesse d'un final percutant qui marquera l'aboutissement d'un cycle. On peut également y espérer un coup de projecteur sur la vie sentimentale de Jazz, qui n'est pour l'instant qu'effleurée, et une inévitable confrontation avec Judas (pas innocent, comme choix de nom). De toute façon, on donne carte blanche à Raule et Roger, et on fait d'ores et déjà une place de 1 cm de large sur l'étagère, à côté des deux premiers tomes...
Tome 1 - Home sweet home (2007)
Tome 2 - Mélodie d'El Raval (2008)