Pour en finir avec le cinéma
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 24/09/2011 (Tags : cinema blutch avec pour finir livres jeux
Blutch juxtapose ses visions de cinéma sans hésiter à verser dans le pédantisme. Même si on aime Burt Lancaster, Paul Newman et/ou la Nouvelle Vague, difficile de trouver l’album passionnant.
L’album s’ouvre sur un dessin reproduisant le célèbre plan du film de 1903 The Great Train Robbery. D’emblée, on sait que la cinéphilie du contenu ne s’arrêtera pas à Twilight et Pirates des Caraïbes. Les lecteurs de Fluide Glacial ont eu l’occasion de constater par le passé que Blutch a toujours été un fondu de cinéma et de séries télé. Et de l’autobiographie déguisée, transformée, fantasmée : Le Petit Christian et Blotch sont là pour en témoigner. Pour en finir avec le cinéma est la première bande dessinée que l’auteur publie chez Dargaud, qui lui a fait une confiance aveugle pour régler son compte au 7ème Art.
En fait de règlement de comptes (à OK Corral ? les acteurs y sont, en tous cas), l’album exprime la passion de Blutch pour ses émotions de celluloïd : il consacre plusieurs pages de déclaration d’amour à Burt Lancaster, ménage de régulières apparitions à Sacha Guitry, William Holden… On croise Kirk Douglas, Alain Delon et Tarzan en icones machos, et le dialogue d’ouverture du Mépris de Godard sert de fil rouge à un défilé de pin-ups où se télescopent Rita Hayworth et Marylin Monroe. Cinéphile, collectionneur, obsessionnel, Blutch l’est. Talentueux, son dessin l’est toujours, passant du portrait ultra-ressemblant à la peinture étrange de corps émaciés, pour le plus grand plaisir des amateurs d’atmosphères angoissantes et expressives.
Mais au contraire d’un Hervé Bourhis, dont les albums musicophiles constituent un inventaire gourmand de souvenirs et d’anecdotes, Blutch tente de mâtiner l’ensemble de poésie, de pseudo-réflexions existentialo-artistiques et de narration semi-onirique dont les protagonistes changent au fil des pages (on croit reconnaître l’auteur dans chaque personnage masculin, mais rien n’est moins sûr). Au gré des dialogues, on subit donc pour la énième fois le vieux débat tarte à la crème « le cinéma est-il un art ou industrie ? » (une fois pour toutes, la réponse est « les deux »), et on nous assène qu’Alain Cuny voyait le cinéma comme une poubelle. Rien de suffisant pour « en finir avec le cinéma ». Blutch aime ça, pourquoi voudrait-il en dégoûter les autres ? Du coup, difficile de comprendre où il veut en venir ; on se contente de reconnaître tel ou tel film, tel acteur ou telle actrice, entre deux scènes fantasmatiques où l’on effleure la façon dont l’auteur vit le cinéma. Dommage.
Quand le cinéma se penche sur la BD, c’est souvent avec condescendance. Cet album souffre du défaut logiquement inverse : une idolâtrie d’un excellent scénariste-dessinateur pour un art qui ne lui est pourtant pas supérieur.