Les Exploits de Poison Ivy - Tome 2 - Tigresses volantes
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 17/06/2007 (Ce deuxième tome de Poison Ivy est à la fois déjanté et maîtrisé. Impossible, d'ailleurs, de faire primer l'une des deux qualités sur l'autre.
Certaines séries, on le sait dès le premier album, ont peu de chance de nous décevoir un jour. Poison Ivy, la nouvelle série de Berthet et Yann, les créateurs du désormais classique Pin-up, en fait partie. Dès le premier album, et ses promesses référentielles, fortement dosées en humour, on a su qu'on tenait là un beau bébé...
Y'a-t-il un pilote dans l'avion ? Poison Ivy réalise le mariage improbable de deux influences : l'univers classique, traditionnel de la bande dessinée d'antan et le modernisme d'un humour impertinent, déjanté, ultraréférentiel mais compréhensible. Dès la première planche, le ton est donné : la brigade des Women On War, à bord d'un avion en feu qui pique dangereusement du nez, derrière deux pilotes ensanglantés, ayant rendu l'âme. Des personnages qui dialoguent sur le moyen de trouver une échappatoire à la mort, et ce devant deux macchabées la bouche ouverte. Comique de personnalité, comique de situation, classique tout cela me direz-vous. Oui, c'est classique, c'est assumé et c'est surtout fort bien tourné en dérision.
Poison Ivy se déroule pendant la seconde guerre mondiale, ce qui annonce au moins quelques albums d'aventures effrénées pour notre groupe d'héroïnes. Sur le modèle des séries d'antan, Poison Ivy, sur cette trame globale, semble se diviser en actes, avec comme point d'ancrage ce groupe de personnages féminins tout autant super-héroïque (X-Men ?) que burlesque (Drôles de dames ?). Mise en page sans extravagances, couleurs nettes et ligne claire ; Poison Ivy cultive son côté patrimonial, tout en rendant hommage à la culture américaine : comics d'avant et d'après guerre, mais surtout cinéma. Dans les « raccords de plan », on relève tout un tas de mimiques proprement cinématographiques (observez la transition entre les pages 10 et 11).
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Attention,
sidekick alcoolisé !ourquoi trouve-t-on Poison Ivy si drôle ? Tout d'abord, Berthet et Yann excellent dans un domaine pour lequel toute maladresse est fatale : le burlesque, ce petit grain de folie dans les expressions faciales, dans les dialogues, qui donne à l'album une saveur déjantée, folle, irrésistible. Comme on l'a dit, pour notre plus grande surprise, l'ultra traditionnel côtoie l'ultra moderne. Prenons deux exemples. D'un coté, on a le sidekick habituel, le bouffon, le rouquin Sonny qui, tout au long de l'album balance des « hic » alcoolisés au milieu de ses phrases. Quoi de plus traditionnel que ça, quand on parle BD ? Et de l'autre coté, des dialogues qui n'hésitent pas à aller jusque dans la vulgarité, des clichés sur les « bridés », ces « hordes de putois ». Un second degré flagrant, un énorme clin d'œil à la bande dessinée d'après guerre, franco-belge ou américaine, qui distillait volontiers ce genre d'images racistes (Les japs attaquent, Buck Danny). Allez, pour le plaisir, un autre exemple d'impertinence. Un encadré narratif, reliant deux scènes, avec pour contenu : « Rigoureusement au même instant, quoiqu'avec un léger décalage de huit heures et demie ». Les blagues pleuvent jusque dans les astérisques de bas de page, qu'on ne compte plus, dans cet opus...
Ce deuxième tome de Poison Ivy est à la fois déjanté et maîtrisé. Impossible, d'ailleurs, de faire primer l'une des deux qualités sur l'autre. Vraiment l'une des nouvelles références.