8/10Etoile du Chagrin - Tome 2

/ Critique - écrit par gyzmo, le 04/11/2009
Notre verdict : 8/10 - War. War never changes. (Fiche technique)

Tags : etoile chagrin tome histoire strzepek annev kazimir

L’arsenal loufoque mais puissant qui a fait la réussite du premier tome a été naturellement remis sur le tapis dans ce dernier.

L’année dernière, pratiquement jour pour jour, nous apprenions ensemble la définition du verbe « embolcher », activité ô combien bouleversifiante extirpée du premier volume de l’Etoile du Chagrin. Douze mois plus tard, presque jour pour jour également, nous revoilà à la suite directe de cette saga post-apocalyptique mâtinée de fantasy de Kazimir Str­ze­pek. Et dans son sillage, la découverte d’une nouvelle et bien belle anomalie : la potentialité d’être le témoin impuissant de deux pupilles dans un seul œil, suite à une cruelle entaille. De quoi voir triple  jusqu’à la fin de ses jours. Et ce, sans l’aide d’aucune substance hallucinogène. Un vrai délire ! Pour nous, en tout cas. Car sur la terre ferme du tueur-coupeur amnésique, du trio inexpérimenté Klavin | Wilm | Futch ou pour les vauriens du redoutable Baltazar, ce genre d’étrangeté n’est que monnaie courante…

Il fallait s’y attendre – et cette attente fût horriblement longue pour le fanatique complet : l’arsenal loufoque mais puissant qui a fait la réussite du premier tome a été naturellement remis sur le tapis dans ce dernier. Inutile, donc, de re-cartographier l’engin. L’Etoile du Chagrin demeure la même bombe atomique que précédemment (la surprise en moins, cela dit), avec ses impacts humoristiques, sa nuée d’increvables en culotte-courte, sa croisée sinueuse des récits, son style graphique (ir)radieux, sa barbarie bon-enfant et décomplexée, son background faussement embrouillé et chargé de petits détails simplement jubilatoires. Le Kazimir ne perd pas la main, ni le rythme. Il engage pièce après pièce les composants éparses de ce casse-tête fleuve – l’occasion ici de rappeler que sa fable bourrée de farces et d’attrapes sera divisée en 6 volumes d’à peu près 250 pages chacun ! Concernant le présent ouvrage, une fois encore, Kazimir s’amuse avec le fil tortueux de son récit. Le bonhomme affectionne les histoires non linéaires, façon Pulp Fiction. Ce qui rend l’expérience assez ludique à suivre, puisqu’à plusieurs reprises, le lecteur est invité à revenir sur l’épisode afin d’éclaircir les zones d’ombre, de la plus capitale à la plus secondaire. Ce « replay value » conscient et réfléchi, digne d’un Livre dont vous êtes le héros, et qui sans nul doute prendra encore plus de poids une fois la dernière page de l’ultime volume de cette vaste saga parcourue, est assisté par le plaisir de jouer sur et avec les mystères. Bien que cela reste anecdotique (pour le moment, mais qui sait ?), chaque livre comporte des vignettes où apparaissent des dialectes inconnus que l’on peut déchiffrer grâce au code plus ou moins tarabiscoté fourni en fin de périple. Un jeu de piste rafraîchissant, peut-être moins rigolo et facile d’accès que les clins d’œil et autres Easter eggs de la franchise Lanfeust (par exemple), qui transforme l’objet livre inerte en aire interactive. A côté de ça, l’auteur possède un très bon sens de la narration. Ses pages fractionnées – équivalent des célèbres split-screen de Brian De Palma ou de la série 24, condensent à elles seules cette capacité à bousculer (un peu) les habitudes et à dépasser le simple cadre du divertissement (pourtant ici omniprésent) pour hisser l’ensemble vers quelque chose de plus recherché, voire de plus conceptuel. Et malgré le grand délire, parce qu’il y a beaucoup à lire, à comprendre, et avec sa flopée constamment alimentée de nouveaux personnages et de quêtes à suivre, il faut reconnaître que l’univers brossé par Str­ze­pek nécessite pas mal de concentration pour être pleinement apprécié. Seule une vue d’ensemble pourra confirmer (ou pas) cette impression.

Il n’empêche qu’en seulement deux volumes - et son ½ hors série indispensable (en intégralité ici), Kazimir confirme l’intérêt croissant de sa décidément très étonnante Etoile du Chagrin, source de lumière éclatante sous laquelle les innombrables chenapans d’un monde ravagé tentent par tous les moyens (et pas des plus tendres) de se faire une place… ou du moins, de se faire le moins possible repérer.