8/10Chimères - Tomes 1 et 2

/ Critique - écrit par iscarioth, le 29/05/2005
Notre verdict : 8/10 - Psychotique (Fiche technique)

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Critique des tomes 1 et 2 : quand on parcourt ces deux premiers tomes, on saisit un univers tellement vif et riche que l'on a l'impression que Mosdi et Béhé ne pourront abattre toutes leurs cartes qu'en de nombreux albums.

Joseph Béhé s'est fait remarquer à la sortie du premier tome du Décalogue. Le dessinateur-coloriste était déjà apparu aux yeux des bédéphiles en 1992 avec Double Je. Mais le grand public ne le découvre véritablement qu'en 2001 avec Le Manuscrit, premier opus de la grande saga de Giroud. Béhé avait alors étonné et passionné par la qualité de son dessin, très novateur et incorporant avec intelligence les nouvelles technologies. Le scénariste de Chimères n'est autre que Thomas Mosdi, connu pour avoir oeuvré sur le dernier tome de la Graine de Folie et sur les premiers albums de Korrigans, les deux fameuses séries d'Emmanuel Civiello.

L'Histoire

Daniel Daremberg est un psychotique longtemps soigné à Saint-Anne, l'hôpital psychiatrique de Paris. Depuis peu, il est jugé apte à vivre en dehors du milieu hospitalier. Mais Daniel semble faire une rechute grave. Il est persuadé de pouvoir s'immiscer dans les pensées d'autrui. Le docteur Lydie Huygens et l'infirmier Roger emmènent le jeune homme loin de Paris pour continuer la thérapie...

Rêves et Réalités

En parcourant les pages de Chimères, on a l'impression de lire un long poème : un ensemble beau et harmonieux, mais impossible à expliquer page par page, instant par instant. On pense parfois à une oeuvre expérimentale, tellement le scénario s'éloigne de ce que l'on a l'habitude de lire en BD... Chimères est en effet très inhabituel. Rêves et réalités s'y emboîtent sans que le lecteur comprenne tout à fait les transitions. Daniel est projeté dans un monde parallèle, un monde dans lequel cohabitent mythologies antiques, méditerranéennes et irlandaises. Dans ces moments oniriques qui parsèment les deux albums, le lecteur est pris dans la tourmente du névrosé : ses peurs, ses fantasmes. Au fil des pages, on comprend que les tourmentes de Daniel ne sont pas maladives mais annonciatrices d'un danger réel. Grâce à des événements et à un univers entre rêves et réalités, Mosdi arrive à générer un monde d'angoisse et de suspicion chez le lecteur. Daniel est un personnage auquel on se rapporte : le lecteur est seul à percevoir les délires de cet être frêle, innocent et vulnérable. C'est aussi un personnage qui n'inspire pas une grande confiance : impossible pour le lecteur de pénétrer ses pensées, de s'approprier réellement ses rêves...

La marque de Béhé

Chimères est dans la continuité du Manuscrit. Béhé conserve ses immenses talents de coloriste, sa maîtrise des jeux de lumière et son trait nerveux et griffonné. L'auteur n'a rien perdu non plus de sa capacité à faire parler les regards. Mosdi, pour cette histoire tirant sur le mystère, le fantastique, n'aurait pas pu trouver mieux que le trait nerveux et la couleur orageuse de Béhé.

La collection Equinoxe

Chimères vient s'inscrire comme l'un des piliers de la récente collection de chez Vents d'Ouest : Equinoxe, dont le parrain n'est autre que Joseph Béhé lui-même. Une collection qui a déjà su plaire à un bon nombre de bédéphiles pour la qualité de sa fabrication : un papier plus épais, de bonne qualité, un cahier cousu et une couverture très solide et épaisse.


Si l'on en croit la chute d'Athena, le deuxième tome, Chimères devrait se conclure en un triptyque. Quand on parcourt ces deux premiers tomes, on saisit un univers tellement vif et riche que l'on a l'impression que Mosdi et Béhé ne pourront abattre toutes leurs cartes qu'en de nombreux albums. Ce n'est pas le cas, semble-t-il. Reste à attendre ce tome trois. Quelle sera la teneur de cette chute ? Comment les auteurs vont-ils s'y prendre pour ne pas casser les qualités mystiques de Chimères au travers d'un dénouement ? Réponses, certainement, d'ici un an ou deux...