Cédric - La BD dont tu es le héros !
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 04/09/2008 (Tags : cedric tome raoul cauvin laudec heros jeunesse
Recycler en BD le concept de livre-dont-vous-êtes-le-héros ? Une tentative louable, mais qui se solde par un échec du duo Cauvin-Laudec, passé complètement à côté de la plaque.
Cédric a 20 ans. Ou plus exactement, la série Cédric a 20 ans, parce que le gamin lui-même reste éternellement scotché à huit ans, muré dans un univers et un humour immuables, atemporels et familiaux. Depuis vingt ans, le mioche joue avec son pote Christian, saoule son papa et sa maman, papote avec son pépé, et surtout, surtout, tente de galocher la jolie petite Chen, sa camarade chinoise qui remplace tous les R par des L dans ses phrases (comme tous les personnages chinois de la littérature franco-belge, et contrairement à tous les vrais Chinois qui parlent français).
Après 22 tomes dans lesquels Raoul Cauvin et son dessinateur Laudec se sont escrimés à recycler au maximum les gags liés à leur sujet limité (qui constitue pourtant l'ancêtre des kid strips à la Titeuf ou Kid Paddle), une idée germe : pourquoi ne pas tenter une BD dont le lecteur est le héros, à la manière de ces livres d'heroic fantasy qui remportèrent un franc succès dans les années 80 ? Le concept a fait son temps auprès du public, qui préfère généralement se tourner vers un jeu vidéo plutôt que vers ces livres qui constituaient la version solitaire du jeu de rôle. Mais le lectorat de Cédric, plutôt jeune dans l'ensemble, peut être en mesure d'apprécier la version BD, une expérience rarement tentée : on se souviendra des deux albums d'Astérix construits sur ce modèle, qui n'étaient pas réellement des bandes dessinées mais des textes illustrés.
On rappelle le principe : le livre ne se lit pas du début à la fin de façon linéaire, mais offre une navigation entre des paragraphes (en l'occurrence, des cases) numérotés en fonction des choix du lecteur. Les livres compliquaient en général le principe à l'aide de fiches personnages, de dés, de points de vie, d'objets à amasser et autres détails dont ne s'embarrassent pas les auteurs de Cédric : ici, votre but est de déclarer votre flamme à Chen et de l'emballer sévèrement. Ou du moins, c'est le but de Cédric. Car contrairement à ce qu'annonce la couverture, et contrairement à ce qui se pratique d'habitude, le lecteur n'est pas le héros de la bande dessinée. Eeeeh non. Il se contente de choisir à chaque case entre
plusieurs options de suite, qui ne dépendent pas forcément des choix du personnage. Par exemple, vous décidez si un monstre bleu ou un monstre vert va apparaître dans le train fantôme. Notez bien que dans l'exemple cité, votre décision n'aura absolument aucune incidence sur la suite des évènements. Et on touche là au deuxième (gros) défaut de l'album : la construction est tout simplement déplorable, chaque séquence étant articulée pour vous amener au même point quel que soit le chemin choisi, et renvoyant généralement le lecteur dans un des deux ou trois lieux de prédilection des auteurs. D'où une impression horripilante de tourner en rond, qui vous permettra de revivre trois jours de suite les MÊMES évènements (dans le cadre de l'histoire). Pour peu que vous ayez vraiment envie de finir l'histoire (parce que mine de rien, on vous annonce qu'il y a quatre fins possibles), vous pouvez parfaitement passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines à vous arracher les cheveux. Mais on se rassure, vous aurez triché avant : il n'existe qu'une seule intrigue qui mène aux quatre fins (toutes introduites par la même case !), et il est finalement assez improbable que vous vous retrouviez sur cette intrigue (on ne peut y accéder qu'à travers trois ou quatre cases de l'album).
Bref, l'effort est sympa, on est bien content de choisir si Cédric va s'énerver ou s'émouvoir lorsque sa voisine lui pique une photo de Chen, mais en fin de compte le résultat est plutôt raté. Dommage.