9/10Blacksad - Tome 4 - L'enfer, le silence

/ Critique - écrit par plienard, le 16/09/2010
Notre verdict : 9/10 - C’est sombre et triste, c’est Blacksad (Fiche technique)

Tags : blacksad tome guarnido faust canales album juanjo

Quand Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido jouent les virtuoses, ils nous offrent une partition digne des grands maîtres. Les auteurs nous emmènent à La Nouvelle Orléans dans une atmosphère jazzy et au rythme du blues.

Faust Lachapelle, directeur d'une maison de disque de blues, est sur le point de mourir. Seule, Mme Gibraltar, sorte de vieille infirmière vaudou, réussit à le tenir en vie. C'était un fameux dénicheur de talent et il a besoin que John Blacksad lui retrouve son musicien le plus célèbre Sébastian Fletcher, dit « Little hand » à cause de la malformation de l'une de ses mains, plus petite que l'autre. Mais cela ne plait pas à Ted Leeman, détective privé lui aussi, qui avait ce contrat avant notre héros.


Voilà maintenant presque cinq ans que l'on attendait un nouveau Blacksad. Cela faisait tellement longtemps que l'on commençait à croire à une nouvelle arlésienne. On attendait ce quatrième tome, un peu comme le quatrième tome des feux d'askell. Mais maintenant, la chose est faite, elle est éditée et c'est un bonheur. Alors pourquoi autant d'attente ?

Premièrement, parce que la qualité demande du temps. Et vu la qualité de ce tome, il en a fallu du temps.
Le scénario est sombre à souhait. Il est un peu difficile à comprendre au début. Mais très vite, vous rentrez dans l'histoire sans vouloir en sortir avant d'en avoir fini. Et le dessin dans tout cela ? Et bien, s'il a fallu du temps pour le scénario, on comprend qu'il ait fallu du temps pour le dessin. Car les cases sont tout bonnement magnifiques. Il y a bien sûr les scènes de foule, dont la scène du carnaval (p34) où vous pouvez jouer à « où est caché Blacksad ? ».  Et comme par magie, ce personnage vous apparaît. La scène du carnaval me fait d'ailleurs penser à Tintin et les picaros dans les couleurs utilisées et la grosse tête de chien. Il y a aussi cette double page (p37-38) qui marque un temps fort dans l'intrigue et dont est tiré la couverture. Un mot, d'ailleurs, sur la couverture, un peu trop sage à mon goût et ne reflète en rien la qualité et le détail des dessins qui parsèment l'album. Une critique aussi sur le découpage des cases du début, qui complexifie de temps en temps l'intrigue. On a du coup du mal à comprendre les aller-retour avec le passé, malgré la volonté de donner des atmosphères différentes. On appréciera par contre le jeu des couleurs qui donnent une identité pour chaque lieu, simulant efficacement un bar glauque, la fête dans les rues, un pique-nique champêtre etc....

Deuxièmement, on peut comprendre qu'il faille du temps pour faire un tel album et pour avoir du temps, il ne faut pas faire autre chose. Or Juan Guarnido s'est un peu évadé de Blacksad (et de son succès) en sortant deux albums de sa  nouvelle série Sorcelleries (Le ballet des mémés en janvier 2008 et Que la lumière soit fête en novembre 2008) avec Teresa Valero. C'est l'histoire d'un bébé fée qui atterrit malencontreusement chez des sorcières et qui vont l'élever. C'est très drôle ! Mais revenons à notre album, où les personnages sont époustouflants de réalité. Miss orangina
Miss Orangina
Ils ont les caractéristiques de leur animalité tout en état « humain » (ou l'inverse !). Le fabuleux  bestiaire de Guarnido est à nouveau enrichi par Junior Harper (le vautour) ou encore Ted Leeman (l'hippopotame). Quelques touches humoristiques contrebalancent l'atmosphère lourde et sombre de l'histoire. Et Weekly en est le porte-drapeaux. Mais par rapport aux histoires précédentes, on remarquera qu'il y a moins de séduction. La présence de belles femmes (pardon, belles bêtes) est moins marquée alors qu'elle était aussi une marque de fabrique dans Blacksad. Il y a bien sûr la strip-teaseuse du début, tout droit sortie d'une pub Orangina, ou encore Rose qui drague Weekly. Mais il y a moins de glamour. Ici l'histoire est à l'image de la musique qu'elle met en valeur, sombre et triste.

Quand vous tournez la couverture de cet album, un premier choc vous attend avec la double page magnifique représentant Blacksad dans les rues de la Nouvelle Orléans. Et de la même manière, avant de refermer le livre, une double page vous attend. Le talent y est aussi au rendez-vous mais comment ne pas y voir Blacksad, jeune, sauvé des eaux par le docker de la page 41 qui amène une question : qu'a voulu dire le docker ? Et la double page semble vouloir y répondre. Extrapolons en peu en supposant un futur album de Blacksad reprenant l'interrogation de la page 41 et nous présentant John de façon plus intime. D'avance, on en ronronne de plaisir. D'autant qu'il n'est pas prévu que l'on attende encore cinq ans.