4.5/10Une Aventure de Spirou et Fantasio - Tome 6 - Panique en Atlantique

/ Critique - écrit par riffhifi, le 16/04/2010
Notre verdict : 4.5/10 - La croisière s’amuse. Toute seule. (Fiche technique)

Après Emile Bravo et le duo Schwartz-Yann, Spirou atterrit dans les mains de Lewis Trondheim et Fabrice Parme. Déception : l'épisode est poussif, avec un scénario sans intérêt et un graphisme sommaire.

On ne présente plus Lewis Trondheim, archiduc de la BD indépendante depuis une quinzaine d'années, louvoyant entre l'expérimental minimaliste (il a créé l'Association) et les séries personnelles chez de gros éditeurs (Lapinot chez Dargaud, la saga collective Donjon chez Delcourt). Que son nom soit associé à la série des Spirou "alternatifs" lancée par Dupuis n'a rien de foncièrement étonnant, d'autant qu'il a déjà produit un pastiche des aventures du groom dans l'album de Lapinot L'accélérateur atomique. Le retrouver associé au dessinateur Fabrice Parme, avec qui il a notamment fait équipe sur Venezia, OVNI et Le roi catastrophe, laisse déjà plus songeur quant à l'approche graphique de cet opus... Après deux albums à succès optant pour une ligne claire rétro, replongeant Spirou et Fantasio dans la Belgique des années 40 avec talent et inventivité (respectivement signés
d'Emile Bravo et du duo Schwartz-Yann), on peine à s'accommoder de cet opus pseudo-moderne (ou pop ?) dont le contenu, à l'image de la couverture, tourne singulièrement en rond. On note d'ailleurs que cette couverture est de très loin l'élément le plus réussi de l'album. Et qu'elle brille au soleil grâce à l'insertion de dorures un peu partout.

Où se situe Panique en Atlantique dans la chronologie spirovite ? Les exégètes diront sans doute que l'épisode prend place juste avant Le voyageur du Mésozoïque de Franquin (publié à la fin des années 50), mais Trondheim lui-même parle plutôt des années 60. En fait, on serait bien en peine de dater les évènements, que ce soit dans la saga ou dans la réalité : Spirou exerce le métier de groom comme dans les années 40 (on ne l'a jamais vu servir de cocktails chez Franquin ou ses successeurs), le directeur de l'hôtel possède un téléphone à touches comme on n'en verra qu'à partir des années 70-80... Clairement, la rigueur n'est pas à l'ordre du jour. Ce qui ne serait pas bien grave, si l'album avait quelque chose à offrir par ailleurs. Quid de l'intrigue ? Spirou, Fantasio, Spip et le comte de Champignac, réunis par hasard (!) à bord du même paquebot, font route vers les Caraïbes. Ils seront confrontés à une dose réglementaire de gags old school (Fantasio essaie sans succès de photographier une starlette, une rombière s'acharne sur Spirou et son écureuil...), et aux désagréments suscités par les invraisemblables gadgets créés par Champignac. Il s'agit donc du minimum syndical, apparemment fidèle à l'esprit de la série... Malheureusement, Trondheim
n'affiche guère plus de deux-trois idées, étirées sur 62 pages sans conviction, trahissant même son manque d'inspiration en reprenant tel quel un gag du Voyageur du Mésozoïque cité plus haut. L'humour se revendique des Marx Brothers (c'est ce que dit le communiqué de presse, en tout cas), mais accumuler les coups de pieds au cul et multiplier les manifestations de bruit ne suffit clairement pas à reproduire la frénésie comique espérée.

Le dessin de Parme, quant à lui, ne s'inscrit dans aucune des traditions existantes, et propose une version cartoon anguleuse, à mi-chemin entre la Panthère Rose et les Zinzins de l'espace, sans jamais convaincre réellement en version fixe. La colorisation simpliste n'arrange rien : Panique en Atlantique sent le bâclage, le manque d'inspiration enrobé d'un soupçon de je-m'en-foutisme. On ne reconnaît qu'imparfaitement le caractère des personnages, les dialogues sont faibles... On se console en se souvenant que l'album ne s'inscrit dans aucune continuité, et que le prochain sera signé par d'autres auteurs : on parle du retour d'Emile Bravo, de celui de Tarrin... ou de l'arrivée d'un nouveau dessinateur. Espérons que Parme et Trondheim se consacreront de leur côté à un projet qui leur convienne mieux.