6.5/10Washita - Tome 1

/ Critique - écrit par riffhifi, le 02/07/2009
Notre verdict : 6.5/10 - Un Indien vaut mieux que deux « tues-l’aura » (Fiche technique)

Tags : tome washita eur gauthier severine labourot dargaud

Graphismes de dessins animés et couleurs intenses sont au service d'une histoire d'Indiens relevée de mysticisme, premier tome d'une série annoncée de cinq.

Plongée en plein cœur de la civilisation indienne antérieure à l'arrivée de Christophe Colomb et ses sbires, Washita ne donne pas dans la même violence ébouriffée que le film Apocalypto mais se concentre plutôt sur le mysticisme et les coutumes ancestrales des Cherokees... Le trio que l'on trouve aux commandes de l'album a été vu chez Soleil, où il œuvre sur la série Noodles, et chez Delcourt avec le one-shot Mon arbre : Séverine Gauthier au scénario, Thomas Labourot au dessin et Christian Lerolle à la couleur ont donc l'habitude de bosser ensemble, et la première termine une thèse sur les problèmes de souveraineté des nations amérindiennes aux Etats-Unis, ce qui la rend
particulièrement qualifiée pour conter la présente saga.

La tribu du jeune guerrier Equani court un grave danger : les daims dont ils ont l'habitude de se nourrir sont couverts de taches étranges, se comportent comme s'ils étaient frappés de folie et sont soupçonnés d'être porteurs d'une maladie et donc impropres à la consommation. Le héros devra donc partir à la rencontre des dieux pour résoudre ce mystère... En secret, il espère également trouver Washita, la femme de ses rêves (littéralement). Mais il ignore que son rival Asgina le jalouse si férocement qu'il pourrait lui mettre délibérément des bâtons dans les roues.

Ce qui frappe dès le premier abord est l'aspect unique du dessin : net et anguleux, colorisé de façon franche bien qu'ombragé à l'ordinateur, on le jurerait sorti d'un dessin animé. A vrai dire, il paraît presque évident à la lecture de l'album qu'il s'agit de la version librairie d'un cartoon du matin (un cartoon de qualité, entendons-nous bien), diffusé à l'heure des céréales de nos têtes blondes. Et pourtant non, pas du tout. D'ailleurs, la violence occasionnelle des images vient démentir cette impression tenace. Le mot "anguleux" a rarement été aussi incontournable pour
désigner un dessin : les mains des personnages sont curieusement composées de parallélépipèdes, et la stylisation s'éloigne parfois de la portée réaliste pour s'approcher de l'expressivité d'une ligne claire (voire cette scène où le daim fou et ensanglanté vient rouler des yeux, sa silhouette se découpant avec une netteté qui rappelle d'une lointaine manière le trait de Brüno). On regrette néanmoins que les deux antagonistes aient des physiques aussi proches, et que le principal moyen de les différencier soit de prêter attention à l'épaisseur de leurs sourcils. Le découpage est dynamique, parfois étendu sur la longueur des deux pages pour un effet "cinémascope" confortable, et l'intensité des couleurs empêche efficacement l'assoupissement, d'autant qu'elles s'adaptent aux différentes ambiances avec une égale vigueur.

L'histoire bénéficie des connaissances de Séverine Gauthier sur le milieu et l'époque, et s'articule autour d'une quête initiatique old school, avec son méchant fourbe, sa nana gironde à conquérir et ses gamins admiratifs à impressionner. On admet volontiers qu'il s'agisse là d'un prologue, puisque quatre autres tomes sont annoncés, mais on espère davantage d'inventivité et d'audace par la suite, dans l'esprit de la superbe double planche 36-37, qui contraste puissamment avec le graphisme un peu trop calibré du reste.

N'empêche qu'il ne serait pas surprenant d'en voir sortir un dessin animé (probablement un long métrage destiné à un public au moins adolescent).