Voyage au pays de la peur
Bande Dessinée / Critique - écrit par Maixent, le 06/11/2016 (Tags : voyage film pays welles peur orson tome
Hommage à la littérature fantastique
Toujours dans le même esprit, entre horreur et angoisse, la collection Flesh & Bones propose un nouvel ouvrage riche et complexe rappelant les grandes heures de la littérature de genre et des auteurs comme Jules Verne ou H. P. Lovecraft. D'ailleurs, ce dernier est le narrateur, un narrateur dont le destin a été changé à tout jamais, hanté par une peur abyssale qui ne le lâchera plus jamais.
Des fantômes sur le pont
A l'époque, les clubs et l'occulte étaient à la mode, comme l'atteste le genre littéraire des "Penny Dreadful" ou l'apparition des grands noms de la science-fiction comme le sont Dracula ou Frankenstein. L'Homme se posait alors des questions existentielles face à une science qui allait trop vite et la découverte d'un monde trop vaste qui restait encore majoritairement inconnu. Après tout, pourquoi ne pas imaginer des dinosaures au centre de la terre, puisque rien ne prouvait le contraire, et que l'on ne savait rien de la nature exacte de cette partie souterraine et mystérieuse. Mais ce qui alimente d'autant plus l'imagination sont ces étendues glacées aux pôles qui réservent bien des surprises encore de nos jours, sachant que le premier homme à marcher sur le pôle fût Amundsen en seulement 1911.
Notre récit se situe environ 20 ans après, dans un club lié à l'étrange auquel appartient Lovecraft qui reçoit un étrange visiteur, celui-ci va nous raconter son histoire.
Grogan Masson embarque à bord du Sphinx pour participer à l'expédition
Une troublante clandestine
Samwell-Smith en direction de l’Antarctique. Pharmacien et botaniste il ne trouve cependant qu'une place en cuisine mais cela lui permet de côtoyer l'ensemble de l'équipage. Ce n'est que petit à petit que d'étranges phénomènes se produisent à bord, une étrange créature qui rappelle le Kraken dont on entraperçoit que la masse gigantesque, la disparition de deux hommes d'équipage, la radio sabotée, une mer d'algues qui bloque l'hélice alors que les Sargasses sont bien loin, un vaisseau fantôme, l'attaque de crabes géants, la folie qui gagne, et surtout la troublante passagère clandestine. Intrigué par une mystérieuse apparition sur le pont, Grogan découvre Eva, nichée dans une cabine qui n’apparaît sur aucun plan. Une liaison s'en suit, empreinte de folie et de sexe désespéré jusqu'à ce que le navire arrive enfin à destination. Accueillis par le Sphinx des glaces évoqué par Jules Verne, ils pénètrent alors dans l'Atlantide dont Eva se trouve être l'un des habitants. Grogan y fait la connaissance d'un ancien membre d'une précédente expédition, celle de Shackleton, qui lui fait découvrir que les atlantes sont en fait une race ancienne antérieure a l'homme ayant l'apparence d'extra-terrestre, capable d'habiter le corps et les pensées des hommes.
Tout ce qui est lié aux légendes maritimes est ici évoqué. Il s'agit certes d'un hommage aux écrivains du dix-neuvième et début vingtième, mais avec beaucoup trop de références. Dans un récit si court, le lecteur se trouve presque noyé sous l'abondance et ne sait plus trop où donner de la tête. Les références historiques aux véritables expéditions croisées avec la mythologie et les légendes passées et présentes sont balancées dans le récit sans aucune trêve, comme si les auteurs voulaient tout dire très vite et au final s'embrouillent un peu. Cela n'empêche pas au récit d'être construit, mais l'ensemble des digressions fait un peu perdre le fil de l'intrigue principale. On peut aussi se dire, qu'il s'agit là d'un fait volontaire de la part des auteurs, le narrateur étant lui-même perturbé et peu sûr de son récit, on peut sous entendre qu'il mêle fantasmes et réalité. D'ailleurs, le découpage des cases peut aller dans ce sens avec des grandes pauses narratives pendant lesquelles les héros couchent ensemble dans une sorte de demi sommeil sur plusieurs cases, alternées avec des scènes d'action rapide et des pleines pages visuellement très fortes. Donc deux lectures possibles pour un récit complexe et riche.
Le dessin lui même a cette double lecture, dans un premier temps on peut se dire qu'il manque parfois de finition et ressemble plus à des croquis préparatoire. On peut aussi considérer que ce flou est volontaire, plongeant le lecteur dans une sorte de rêve éveillé, comme s'il était dans une fumerie d'opium.
Il est donc difficile de se faire un avis sur cet ouvrage. Ce qui est certain c'est que le récit est riche et prenant et entraîne le lecteur sur différents terrains entre mysticisme et fantastique, usant avec talent des légendes qui hantent le subconscient de tous les marins et des autres.