7/10Les Voies du Seigneur - Tome 1 - 1066 - Hastings

/ Critique - écrit par athanagor, le 12/06/2009
Notre verdict : 7/10 - Combat debout (Fiche technique)

1066 : une des batailles les plus importantes de l'Histoire d'Angleterre se prépare, et on voudrait nous faire croire que l'Eglise n'a rien à voir là-dedans ! Cette BD rétablit enfin la vérité.

A la mort d'Edouard le confesseur, roi d'Angleterre, le 5 janvier 1066, le Witan ne trouve pas de meilleur idée que de désigner à sa succession Harold Godwinson, dont le nom de famille deviendra alors II, pour prendre sa place. Or, de l'autre côté du channel, cette décision en laisse un plutôt mécontent : Guillaume le Bâtard à qui le défunt roi, pendaLe bon évêque
Le bon évêque
nt son exil sur ses terres, promettait son royaume et qui, de plus, fît jurer vassalité à Harold en 1064. La suite logique, c'est que Guillaume, habitué aux luttes de pouvoir depuis ses huit ans, âge où il devint duc, va engager une campagne de conquête avec l'appui de Hardrada et de ses vikings. Pourtant, bien qu'allié à lui, Guillaume ne veut pas lui laisser la victoire sur Harold et dépêche la construction de ses navires pour le prendre de court. Sur ces entrefaites, Odon de Bayeux, le frère de Guillaume, va se mêler à la partie. Homme d'église corrompu, passant rarement ses nuits seul ou sobre, il ne se joint pas à son frère de gaieté de cœur, mais envoyé par l'Eglise. Celle-ci cherche à s'approprier un parchemin que possède Hardrada et pense qu'en retardant Guillaume par le truchement d'Odon, le roi de Norvège arrivera premier, perdra contre Harold, mais l'ayant suffisamment affaibli permettra une victoire facile de Guillaume. Le parchemin sera alors aisément accessible pour Odon, qui le transmettra à l'église. Ce que ce parchemin raconte, seul ceux qui ont lu le Saint Livre peuvent en comprendre la portée.

De l'avis général, et il faut bien le reconnaître, le vrai point fort de cette BD est de plonger le lecteur avec clarté et simplicité dans les motifs de cette bataille et dans la succession d'événements qui l'entoure. L'exposition des acteurs et l'énumération de leurs relations se fait sans heurt et la leçon passe très bien. Nul besoin de revenir en arrière pour sonder à nouveau les intentions de tel ou tel personnage. Cette apparente facilité dans le développement des sources de cette bataille permet aux auteurs d'insérer avec souplesse l'intrigue qui nous fait suivre Odon et ses conspirations, et qui promet de venir tenir le fil des trois albums prévus par la suite.

Tout ceci est d'autant plus appréciable que les auteurs, non content de faire de la bataille d'Hastings une simple toile de fond, utilisent des éléments historiquement viables pour inventer leur intrigue. Faisons donc à nouveau courbette devant le très bon Fabrice David, qui nous sécha précédemment avec Servitude, et soT'as oublié ton casque ?
T'as oublié ton casque ?
n copain pour l'occasion, Grégory Lassablière. Ne cherchant pas à mettre de la sauce ésotérique dans la mixture et fabriquant le fil de leur intrigue sur la semi-ignorance des hommes de ce temps, ils ajoutent une bonne dose de crédibilité à leur histoire, et articulent sans forcer les éléments réels et inventés, utilisant habillement les trous d'informations que comporte l'Histoire.
L'amateur de série historique saura donc trouver dans cette ouvrage une "fantaisie" fort plaisante, que viendront toutefois gâter certains passages de dialogues qui, trop typés moyenâgeux, finissent par se voir au milieu d'un discours qui n'appuie pas spécialement sur cet aspect. Ces apparitions sporadiques totalement incongrues apparaissent alors comme déplacées et offrent le double défaut de ne pas coller avec le reste et de dénoncer celui-ci comme manquant de réalité historique.

Toutefois, on oublie bien vite ces apparitions étranges, aussi grâce au très beau dessin de Jaime Calderón, précis et mobile. Il donne à ses personnages la possibilité d'exprimer leurs sentiments, même au travers de traits épais comme des tables en chêne, que leur éducation à coup de lattes dans la gueule leur a laissé. Les couleurs de Romain Lubière (à une lettre près), accompagnent avec beaucoup de naturel le trait de l'Espagnol pour permettre une expression visuelle particulière et touchante dans ce mélange de rugueux et de subtil.