5/10Succubes - Tome 1 - Camilla

/ Critique - écrit par athanagor, le 03/06/2009
Notre verdict : 5/10 - Les succubes transpireront (Fiche technique)

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A peine le dos tourné, un nouveau complot destiné à foutre l'humanité par terre fait son apparition. Heureusement celui-là sera vite derrière nous.

1794, époque trouble et incertaine pour la France, qui se relève de sa révolution pour voir son destin s'empêtrer dans la Terreur. Pourtant, pour dangereuse qu'elle soit, cette période participe bien de la refonte totale du système de valeur français. Dans ce mouvement général de recherche de nouveau repère, une faction secrète, les filles de Lilith, veut en profiter pour mettre en avant le culte d'Isis. Après tout, si le Droit et le calendrier ont pu changer, pourquoi pas la Religion ? T'as pô débarrassé la tab'
T'as pô débarrassé la tab'
Ainsi, ces méchantes ambassadrices taillées comme des top-models vont tenter d'entraîner dans le paganisme le plus impie l'homme qui tient la France entre ses mains : Maximilien de Robespierre. Mais, dans l'ombre des cathédrales, les vrais soldats de la foi unique restent sur le qui-vive... et c'est pas d'main la veille qu'un ramassis de brouteuses va mettre Jésus à genoux !!!... sans déconner...

L'intrigue du complot ourdi depuis la nuit des temps ou depuis l'Egypte pharaonique (ça marche aussi), opposé au Vatican ou fabriqué de toute pièce par celui-ci, continue malgré l'apparente atteinte des auteurs par le syndrome d'Alzheimer, qui défendent leurs œuvres comme la première du genre, à fournir des histoires qui suscitent l'intérêt d'une certaine classe de lecteur. Malgré de vaines protestations terre-à-terre et des arguments piochés dans Télérama, pour avoir l'air de quelqu'un qui préférera toujours un bon Finkielkraut à un phrasebook Klingon, jurant ses grands dieux qu'il n'a jamais posé la main sur un dé 15 et lorgnant, avec un soupir étouffé, les rayonnages estampillés « ésotérisme » quand il va emprunter L'éducation sentimentale à la bibliothèque municipale, ce dernier se jettera avec concupiscence sur un ouvragePeste ! J'enrage !
Peste ! J'enrage !
du genre de celui-ci, espérant apprendre quelques noirs secrets sur la nature démonique et mammaire de la jeune fille habillant la couverture.

S'appuyant sur le culte de l'Etre Suprême, instauré par Robespierre qui croyait en l'immortalité de l'âme, pour contrecarrer l'esprit nihiliste de la révolution française, l'histoire qui se développe dans cette BD s'avère complexe et alambiquée par la multitude d'évènements et de personnages. Prenant place dans cet environnement particulier, ô combien touffu, et y ajoutant l'opposition des complots, religieux comme politiques, où chacun joue pour une équipe différente, Thomas Mosdi, habitué des thèmes ésotériques, perd son lecteur dans la profusion de détails nécessaires à l'articulation de l'ensemble. Loin d'être mal documentée ou traitée par dessus la jambe, utilisant des éléments historiques, l'histoire se retrouve tout simplement bloquée par le média de prédilection de son auteur. Alors que certains parviennent très justement à l'adaptation de romans en format BD, jouant avec talent les cartes simultanées du texte, de l'illustration et de l'exposition de l'action, Mosdi donne ici l'impression d'être un écrivain contraint à l'adaptation de ce qu'il souhaitait produire sous forme de roman.

Le dessin est, comme l'histoire, très soigné et très complexe et, de la même façon, il finit par souffrir de ces attributs. Mais là où le scénario perd en clarté, l'illustration, elle, se retrouve engluée dans une exRobespierre sera-t-il de taille ?
Robespierre sera-t-il de taille ?
position très statique des évènements et on s'ennuie un petit peu des poses systématiques des personnages. Quelques cases osent cependant un traitement plus cru, un peu moins fignolé au pinceau n°2 et à la peinture à l'huile, et tout de suite l'énergie cachée dans le trait de Laurent Paturaud montre le bout de son nez, mais malheureusement pas suffisamment souvent pour captiver. Travaillant énormément le rendu et l'effet de ses couleurs quand il s'agit des visages et des drapés, il se laisse un peu plus aller sur les mains auxquelles il donne plus d'encrage. Prenant alors une dimension plus expressive que le reste, elles donnent parfois l'impression de ne pas faire partie du dessin original. Cette dichotomie encrage / couleur ne se remarque pas tout de suite, mais marque néanmoins négativement la rétine et laisse une impression inconfortable qui s'accentue au cours de la lecture.

Bien que cette BD soit belle, propre et complexe, on s'y perd et on finit par s'ennuyer, lassé par les défis picturaux répétés à l'envie. Le tout manque singulièrement d'une ambiance que l'intrigue, les personnages et les teintes dominantes devraient, selon toute logique, installer, mais ne parviennent qu'à effleurer. On reconnaîtra, malgré tout, les talents en présence et l'application mise, tant au niveau du dessin que de l'histoire, pour livrer une œuvre valable. Ceci dit, comme bien souvent en l'espèce, dans ces opus aux allures de cours magistraux, on cherche le petit supplément d'âme.