7/10Souvenirs d'un elficologue - Tome 1 - L'herbe aux Feys

/ Critique - écrit par athanagor, le 19/05/2009
Notre verdict : 7/10 - Feu aux Feys (Fiche technique)

Tags : soleil gloris elficologue tome paul thierry souvenirs

Premier tome réussi d'une production mélangeant habilement fantastique et humour, et proposant une exposition d'un des hauts lieux de la consommation du jus de hêtre.

Le Mont-Saint-Michel est très à la mode en ce milieu de 19e siècle. Malgré la prison qui loge désormais en son sein, de nombreux artistes s'y intéressent, bien sûr pour des raisons hautement idéologiques, mais également pour la beauté et la poésie qui émanent du lieu. Ainsi, le rédacteur en chef du journal satMais que veut donc cet homme, je ne comprends pas son parler.
Mais que veut donc cet homme ?
irique Charivari décide d'envoyer son journaliste vedette, Albin d'Aigrefin-Tonnerrre, écrire un papier sur l'endroit. Celui-ci a alors plusieurs raisons de tirer la tronche. La première, c'est de devoir quitter Paris pour aller patauger dans la gadoue, entouré de péquenots à peine capable d'articuler un français convenable. La seconde c'est qu'on lui colle dans les pattes un jeune novice aux allures de maraud, Paul Laforêt, dont l'enthousiasme débridé pour ce nouveau gadget, qu'on appelle photographie, lui tape passablement sur les nerfs. C'est donc bien malgré lui, mais n'ayant pas le choix, que le journaliste s'embarque pour aller rencontrer le directeur pénitentiaire du Mont, alors aux prises avec une forte tête aux idées folles : Auguste Blanqui. Entre deux entrevues, Paul Laforêt décide d'étrenner son matériel en réalisant des prises de vues du site. Inutile de dire que le développement des épreuves montrerons plus que de simples éléments architecturaux et que les apparitions argentiques nécessiteront l'aide interprétative de la grand-mère gitane et médium du coin.

Il y a dans cet ouvrage, du moins au niveau de l'histoire en général, assez peu de surprise à attendre, et quasiment toutes les situations sont prévisibles. Mais il est difficile de pointer un doigt réprobateur à l'encontre des auteurs tant on sent que leur Attention Guignol ! Derrière toi !
Attention Guignol ! Derrière toi !
but n'était pas de chercher à produire une aventure jamais vue et en soi surprenante. On a plus l'impression que le véritable challenge consistait à réinterpréter ce genre assez particulier, et pourtant très couru, des contes et légendes celtiques. Ainsi, l'étrange mélange qui caractérise le style de cette BD, composé de fantastique et de terreur, de références magiques populaires avec des fées dedans, d'humour emprunté aussi bien au théâtre de boulevard qu'à la comédie moderne, se résout dans une lecture assez coulante, servie par la bonne structure de l'ensemble. L'histoire s'articule avec clarté en entremêlant les thèmes au gré des différents tableaux spatio-temporels, en utilisant avec justesse les couleurs et le dessin pour fournir à chacun son atmosphère propre. Malgré l'académisme que cette description laisse supposer, à aucun moment on ne se sent piégé dans une forme trop rigide empêchant l'histoire de s'épanouir, car contrainte par les contingences de la page. Et pourtant, les auteurs suivent avec la quasi-régularité d'une horloge suisse le schéma qui consiste à ne pas commencer l'exposition d'une scène au milieu d'une page et à octroyer à chacune d'elles soit deux, soit quatre pages. Mais plutôt qu'un effet étouffant, ce choix et cette discipline atteint parfaitement son but, à savoir conférer un rythme soutenu et plaisant à l'ensemble.

Il convient de noter néanmoins une touche désagréable d'immobilité dans certaines cases, d'autant plus gênantes que l'ouvrage joue sur une réelle excitation et un mouvement permanent, reflet de l'enthousiasme juvénile du héros. L'illustration n'en reste pas moins relativement aboutie, et l'ouvrage jouit une exquise mise en scène qui emporte et enveloppe les éléments constitutifs du mélange A la fin de l'envoi, ...
A la fin de l'envoi, ...
cité plus haut, avec un certain talent pour le dialogue qui, par son décalage et à certains moments sa crudité, plus habituelle dans un contexte contemporain, suscite un vrai rire de la part du lecteur, principalement résultant de l'effet de surprise produit.

Pensée sur un ton résolument comique, avec la véritable intention de plonger la comédie dans un univers de fantastique et d'épouvante, cette BD ne cherche pourtant pas à faire du drôle pour pas cher. Les situations amusantes le sont pas leur incongruité et la forte probabilité de les voir subvenir dans une contexte social véritable. Alors inscrit dans une climat de relations sociales réaliste, et surtout à cette époque, la BD ne se voile pas la face et émaille son propos de confrontations et de situations terriblement violentes, moments bien réels ou le caractère animal de l'homme se révèle, moments plus effrayants que les pires délires lovecraftiens.

Bâtie sur le parti de mélanger le plus possibles diverses influences, la BD retient toute l'attention du lecteur et l'encourage à la relecture, pour mieux s'en imprégner avant le tome 2.