8/10Le Shaolin cowboy - 2005 - M. Excellent

/ Critique - écrit par riffhifi, le 27/12/2008
Notre verdict : 8/10 - Shaolin sucker (Fiche technique)

Un cow-boy solitaire, a long long way from home, avec un cheval qui parle, ça vous dit quelque chose ? Vous avez tout faux : le personnage de Geof Darrow doit bien plus à Moebius qu'à Morris.

Les frères Wachowski (Andy & Larry, bien que le deuxième demande parfois à être appelé Lana !) ne sont pas seulement une paire de réalisateurs cinématographiques, attachés aux nouvelles technologies pour le meilleur (MatriX) ou pour le pire (Speed Racer). Ils sont également deux gros fans de comics, ce qu'ils ont démontré à la fois en supervisant les bandes dessinées de MatriX et en parrainant ce Shaolin cowboy à peine croyable, publié par l'éditeur indépendant Burlyman Entertainment...

Le héros, dont on ne connaît pas le nom à cause de son mutisme obstiné, est un moine shaolin déchu qui arpente le désert en compagnie de son cheval Lord
Evelyn Dunkirk Winniferd Esq. The Third. Après un premier tome où il affrontait le Roi-Crabe, il se retrouve ici confronté à une trinité de monstres chargés de défendre un bébé porteur de deux amulettes. Le violent du trio se nomme M. Excellent, et possède la curieuse caractéristique d'avoir une tête séparée de son corps. Inutile d'en dire plus, le cheval commente suffisamment l'action...

En feuilletant Le Shaolin cowboy, on a la surprise de constater qu'il ne ressemble en rien à l'ensemble des comic books actuels, ni à Lucky Luke malgré sa nature westerno-comique, ni à un manga malgré la nationalité asiatique du héros. Non, si le dessin de Geof Darrow ressemble à un autre, c'est à celui de Moebius, également connu chez nous sous son vrai nom de Jean Giraud. Le goût pour les paysages désertiques, la précision dans les traits... et bien entendu la narration non-sensique où l'humour ne respecte ni la logique ni le bon goût. En regardant attentivement, on découvre d'ailleurs que la couverture alternative du troisième numéro est signée de... Moebius ! Le lien entre les deux hommes remonte loin : avant de travailler avec les frères Wachowski (qui signent ici les résumés sans queue ni tête débités par la cheval) ou avec Frank Miller (ah oui quand même), Darrow collaborait avec Moebius dès 1982 sur la préparation du film Tron. Le film a vieilli, mais leur style bédétesque reste aussi frais aujourd'hui que dans les années 70-80.

« Je pense que la seule contribution du hip-hop a été d'apporter au monde six nouveaux mots qui riment soit avec poum-poum, biatch, suce ma bite ou fils
de pute. »
Lord Evelyn Dunkirk Winniferd Esq. The Third

On pourrait se creuser la tête à chercher des points de comparaison pour définir cette bande dessinée déroutante. Jay and Silent Bob pour le duo que constituent le cowboy et son cheval. Terry Gilliam pour la juxtaposition complètement frappée des époques et des genres, ainsi que pour l'humour noir distancié et les créatures fantasmatiques. Moebius, on l'a déjà dit, pour l'aspect graphique de l'univers et son essence absrude (non, il n'y a pas de faute de frappe). Mais le mieux reste de découvrir avec un regard frais les aventures du Shaolin Cowboy, qu'on est heureux de savoir récompensées d'un Eisner Award... en espérant tout de même que la suite se montre un peu plus variée que la longue baston présentée ici, aussi inventive et rigolote soit-elle.