8/10Les Passeurs - Tomes 1 et 2

/ Critique - écrit par Danorah, le 30/06/2008
Notre verdict : 8/10 - The (not so) melancholy death of an ordinary boy (Fiche technique)

Même si le monde des morts n'est pas de tout repos pour les petits garçons, on s'y amuse bien, et on prend un malin plaisir à y suivre les aventures de tout ce petit monde. Une bande dessinée hautement recommandable pour toutes les petites têtes blondes.

Qu'y a-t-il après la mort ? Une question bien pratique pour les esprits imaginatifs qui y trouveront une intarissable source d'inspiration - et pour cause, puisqu'il n'en existe pas de plus ouverte. Du purgatoire monochrome de Monsieur Mardi-Gras Descendres à l'enfer gothico-flamboyant de Requiem Chevalier Vampire, les exemples de mondes post-mortem plus ou moins apocalyptiques (mais rarement paradisiaques) pullulent, dans l'univers de la bande dessinée comme ailleurs. Le public enfantin n'est pas épargné, et la vision que lui en offrent les auteurs jeunesse n'est pas spécialement rigolote non plus (voir par exemple celui qu'a imaginé Philip Pullman pour sa trilogie A la croisée des mondes). Une fois n'est pas coutume, dans Les Passeurs, le monde des morts se révèle, sinon idyllique, du moins tout à fait... vivable ; et quand vous mourez, on vous prépare même un gentil comité d'accueil.

C'est en plein milieu du niveau 8 de Super Bario que Manu se retrouve nez à nez avec la Faucheuse, qui l'expédie tout droit dans le monde des morts pensé par Martin Vidberg (auteur du Journal d'un remplaçant), et mis en images par Mickaël Roux. Un monde dont l'apparence séduit dès le premier coup d'œil, fait d'un amas de trucs et de bidules étranges et biscornus : arbres tarabiscotés et calcinés, bouquets d'yeux scrutateurs, ombres mouvantes, croix plantées de traviole, crânes à demi enfouis... un drôle de mélange gothico-fantaisiste plein d'arrondis et de volutes qui ne peut pas ne pas rappeler l'univers de Tim Burton. Véritable réussite graphique, ce monde des morts est peuplé de personnages tout aussi pittoresques, gueules cassées de tous les types possibles, et drôles bien malgré elles (les êtres humains conservent dans le monde des morts l'apparence qu'ils avaient lors de leur mort, blessures comprises, et les auteurs n'ont pas manqué d'imagination à ce sujet).

Les deux personnages qui accueillent Manu à son arrivée, les « passeurs » Teach et Bruton, forment un duo comique convenu (le petit teigneux et le grand dadais) mais parfaitement efficace pour le public visé, qui devrait trouver dans les frasques des deux compères de quoi se divertir. S'il est régulièrement parsemé d'humour gentiment grinçant et de situations horrifico-amusantes, le véritable moteur du récit est le mystère qui plane sur la véritable nature de Manu : pourquoi ne peut-il pas, comme les autres morts, changer d'apparence à volonté et passer à travers les murs ? Pourquoi se sent-il encore appelé par le monde des vivants ? Le lecteur adulte aura tôt fait de deviner le pot aux roses, mais ne se délectera pas moins des aventures de Manu et ses amis, et de sa rencontre avec la Faucheuse, « personnage » despotique mais tellement sympathique qu'on souhaiterait presque que ce soit la vraie. Dommage que le dénouement trop rapide et précipité en fin de deuxième tome vienne un peu gâcher le plaisir par sa trop grande simplicité et son manque de piquant... public enfantin oblige, sans nul doute.

En tout cas, même si le monde des morts n'est pas de tout repos pour les petits garçons, on s'y amuse bien, et on prend un malin plaisir à y suivre les aventures de tout ce petit monde. Un mauvais point, toutefois, aux quelques très vilaines fautes d'orthographe qui se sont glissées dans les bulles - quand on s'adresse à un public jeune, c'est impardonnable. Ceci excepté, Les Passeurs est une très jolie bande dessinée pour enfants, qui devrait combler tout autant leurs envies de mystère que leurs pupilles et leurs zygomatiques. Et qui ne devrait pas non plus rebuter les adultes, pour peu qu'ils se prennent au jeu.