Paroles d'étoiles
Bande Dessinée / Critique - écrit par athanagor, le 09/12/2008 (Tags : france enfants paroles etoiles caches livres etat
Adapté du livre de Jean-Pierre Guéno par Serge Le Tendre, Paroles d'étoiles illustre la vie de 7 enfants juifs cachés pendant la seconde guerre mondiale, et parfois même après.
Un album collectif, encore un. Cela semble être une véritable habitude chez Soleil. Mais pour une fois, ce n'est pas avec les yeux tournés vers le ciel ni avec force soupirs que l'on présente cet album. Montrant, à
Thierry Démarez l'instar de Loudun de la collection Hanté, que les meilleures histoires sont bien souvent celles qui ont été réellement vécues, cet ouvrage ne tombe pas dans les divers travers qui caractérisent les productions polymanuelles.
Issu du livre éponyme de Jean-Pierre Guéno et adapté pour sa forme dessinée par Serge Le Tendre, cet ouvrage nous présente les témoignages de 7 enfants juifs pendant les heures sombres des déportations massives vers les camps de la mort. S'attachant principalement à détailler l'incompréhension de ces enfants, aujourd'hui beaucoup plus âgés, face à tous ces évènements, l'ouvrage nous entraîne à la suite de ces personnages et nous pose dans des situations d'incompréhension équivalentes. Faisant le parallèle entre les adultes d'aujourd'hui et les enfants d'alors, les textes détaillent également la culpabilité de ces victimes, car presque tous estiment avoir volé leur salut. En effet, tous ou presque ont perdu, en p
David Lloydlus de leur innocence, une partie de leurs familles, au sens propre ou au figuré, et ne comprennent pas pourquoi eux, en particulier, ont pu en réchapper. Ayant dû traverser cette période (et parfois construire le reste de leurs vies) déchirés par le doute, l'incompréhension et la peur, ils ne trouvèrent que rarement, chez les soi-disant bons Français, un soulagement à leur calvaire. Certains, par exemple, n'estimant pas particulièrement affreux d'abuser d'une petite fille que l'on avait sauvé des camps de la mort. L'ouvrage nous montre également, en nous exposant le manque de compréhension de ces enfants face à cette religion qui les condamne, et la volonté de certains de leurs parents de les convertir pour les épargner, que les seuls fanatiques vis-à-vis du judaïsme étaient les nazis.
Le maître mot de l'ouvrage est donc incompréhension, synonyme d'ignorance. Celle de ces enfants devant ces halls de gares remplis ou de ce besoin de quitter la ville précipitamment pour la campagne. Mais également l'ignorance de certains témoins qui, bien que loin d'être des bourreaux ou des déla
Teddy Kristiansenteurs, n'en sont pas moins incapables de comprendre ce qui effraie tant ces juifs. Et c'est dans une tentative de corriger cette ignorance que l'ouvrage est écrit.
L'album est construit sur le schéma simple de la présentation du texte de Jean-Pierre Guéno, s'adressant à chaque enfant en particulier au fil des chapitres successifs. Lui racontant sa propre histoire, il développe les sentiments qui naissaient alors dans son cœur et lui remémore le déroulement des évènements. Ce même texte est ensuite repris pour l'adaptation illustrée, retraçant ainsi l'histoire particulière de chaque enfant. Il est surtout intéressant, d'un point de vue bédéistique pur, de prendre le cheminement à l'envers et de découvrir d'abord l'adaptation de Le Tendre avant de lire le texte l'ayant inspiré. On constate ainsi toute la maîtrise du scénariste de La quête de l'oiseau du temps, et son talent de conteur.
Les 11 histoires, confiées chaque fois à un dessinateur différent (sauf pour la pre
Thierry Martinmière et la dernière, dessinées par Thierry Démarez), font chaque fois mouche, car tous sont de grand talent. La cohésion de l'ensemble est assurée par la succession des textes de Guéno, sorte de matrice à laquelle toutes les histoires sont intégrées. De plus, toutes les histoires gravitent autour du même thème à l'identité très forte, ce qui annule tous les soucis de cohérences pouvant exister entre les chapitres. Ceci dit, accordons une mention spéciale, bien que cela soit superflu, au travail de Thierry Martin sur l'histoire d'Agnès, cachée avec sa mère dans le Vercors. Loin d'être techniquement irréprochable, la représentation d'une blessure et d'une culpabilité trop profonde, se peignant sur le visage de cette mère secrète, puis sur celui de sa fille à la libération, ne cesse d'intriguer et d'émouvoir.
Il est en effet très dur de dire du mal d'ouvrages traitant de tels sujets, et de pointer d'un doigt rageur les insignifiants problèmes techniques d'illustration ou de scénario de livres traitant de l'Holocauste. Mais comme ici il n'y en a pas, on s'en fout.