7/10Du papier faisons table rase

/ Critique - écrit par iscarioth, le 10/10/2006
Notre verdict : 7/10 - Salle B13, bâtiment A26, étage 9, escalier 7bis (Fiche technique)

Tags : chauzy jean christophe jonquet papier rase table

Quel meilleur ton adopter que celui de l'absurde pour parler avec humour de l'administration ? Du papier faisant table rase ne décevra pas les fans du duo Chauzy/Jonquet, tout du moins pas ceux sensibles à l'humour absurde et déjanté.

Lorsque l'on pense administration, deux images cinématographiques nous reviennent souvent en tête. Deux moments forts de films tout à fait différents, mais qui se rejoignent pourtant sur ce point. Il y a le dessin animé Les douze travaux d'Astérix, avec l'une des missions du gaulois qui consiste à s'extirper d'une administration épouvantable, qui le renvoie d'un bout à l'autre de batiments, escaliers et étages. Et il y a Brazil, le chef d'oeuvre de Terry Gilliam, qui livre à peu près le même type de constat absurde sur les déambulations paperasseuses. Désormais, quand certains penseront administration, il leur reviendra peut être aussi des images du dernier album de Chauzy : Du papier faisons table rase...


Un album de Chauzy, c'est forcément toujours très attendu. Le dessinateur s'affirme dès les années quatre-vingt-dix par son trait si personnel, épais, griffonné et caractériel... presque nauséeux. Les écorchés, Peine perdues, et dernièrement Rouge est ma couleur sont des albums qui nous viennent en tête lorsque l'on pense au dessinateur. L'équipée de Chauzy avec le scénariste Thierry Jonquet a redonné un élan à sa carrière. Elle débute en 2001 avec La vigie. Nous voici donc quelques albums plus tard, en 2006, alors que le duo est déjà bien rodé et investit maintenant un style à la sensibilité délicate : l'absurde.

La dérision, l'imagination, l'humour presque surréaliste, c'est de ce point de vue, avec ce langage, que les auteurs ont décidé d'aborder l'administration. L'album s'introduit par une saynète, l'histoire d'un homme venu chercher un certificat, suant sang et eau pendant des mois pour l'obtenir, avant de le perdre, sa mallette volée par des jeunes. Rendu fou, notre bon citoyen ira prendre en otage une mégère pour réclamer un duplicata. Après cet incident, Domitille Brévard, une jeune femme d'ambition et de réforme démesurément sexy, est nommée à la tête de l'OCCV pour rénover la structure.


Des montagnes de papiers poussiéreuses, il ne faut rien laisser et tout transformer en électronique propret. L'ambiance de l'album est complètement délurée et décalée. En guise de cantine, les gens de l'administration festoient dans une grande cave avec de la grande cuisine et du vin de qualité, dans un décor presque dantesque. Dans le déambule des backstage de l'administration, sont même archivés les bureaux des précédantes génération de directeurs. Aux montagnes de paperrasses succède le tout electronique : des locaux gris clair d'une propreté fasciste, l'archivage concentré sur carte electronique et les cyborgs en guise d'homme à tout faire.

Evidemment, l'impertinence graphique de Chauzy et le côté déluré des scénarios de Jonquet donnent à lire un album particulièrement réussi dans ses ambiances et son ton. Du papier faisons table rase n'est pas seulement délirant, il est aussi d'une grande richesse imaginative et comique. Aux grosses tronches franchouillardes et aux couleurs tantot nauséeuses, tantot chaleureuses de Chauzy, viennent s'ajouter les trouvailles scénaristiques ubuesques de Jonquet. Luttent contre la modernisation de l'administration, quatre farouches opposants au grand capital, syndicalistes terroristes ressemblant terriblement à Lénine, Staline, Mao et Che Guevara.


Quel meilleur ton adopter que celui de l'absurde pour parler avec humour de l'administration ? Du papier faisant table rase ne décevra pas les fans du duo Chauzy/Jonquet, tout du moins pas ceux sensibles à l'humour absurde et déjanté.