3/10L'Ordre des Dragons - Tome 0

/ Critique - écrit par athanagor, le 01/10/2010
Notre verdict : 3/10 - Rien sous la dent (Fiche technique)

Triste mode que celle du tome 0, qui sous couvert de révélations fracassantes ne font surfer sur des succès ainsi fragilisés. Cet album en est un bon exemple.

Suivant cette étrange mode, que certains souhaiteraient morte et enterrée, de revenir aux origines du début en expliquant comment le commencement fût initié, Istin se fend ici d'un tome 0 pour expliquer ce qui s'est passé, avant. Dans certaines circonstances, cet artifice éditorial saurait trouver une justification, voire même un réel intérêt, pour peu que les événements présidant au premier livre soient officiellement flous et abscons. Hors, là, il n'en est rien. Le tome 1 de L'Ordre des Dragons parvenait justement à installer et développer toute la philosophie ésotérique de la saga sans perdre une once d'attrait narratif, par le biais double de la découverte de la librairie de campagne d'Elie Strauss et le flashback historique, devenu ensuite l'ouverture classique et attendue des tomes suivants. Ici, on ne comprend plus vraiment l'intérêt, si ce n'est celui de surfer sur une vague porteuse, quoique avec une planche pourrie.

Premièrement, le pan de la saga développé ici n'a que peu de valeur en regard des personnages
présentés, qui ne seront ensuite que des seconds couteaux aux rôles finalement creux. Deuxièmement, la période de temps considérée n'offre pas d'explications supplémentaires à l'affrontement des deux ordres secrets, et se contente de nous ramener quelques années avant le tome 1, pour nous montrer les débuts du parti nazi.

On se trouve donc face au compte rendu d'événements qui se passèrent avant, mais qui, sous-tendus par les mêmes logiques, n'apportent rien et sont vides d'intérêt. On commencera alors à craindre la production systématique de tomes « prequels », ayant un rapport mince à la saga, où des berlinois sont retrouvés morts dans les ruelles sombres de la ville, vidés de leur sang sur des centaines d'années. Ainsi viendraient les tomes -1, -2, (jusqu'à - bien) pour être sûr de bien faire le tour de tous les petits détails inutiles qu'on aurait oublié de nous mentionner.

En fait, ce qui semble vouloir motiver l'écriture ici (car on reste difficilement persuadé qu'Istin s'y soit mis pour l'aspect commercial) c'est la présentation du personnage d'Adolf Hitler, dans ses jeunes années de peintres ratés, tribun de salles borgnes et jouet volontaire des forces obscurs. Une fois de plus, il s'agit de nous présenter l'homme comme un illuminé assoiffé de sang de chatons, volonté en soit tout à fait défendable, mais qui commence pourtant à fatiguer. Oui, Hitler n'était pas très net et oui, il a été très vilain. Mais il est douteux que ce martelage sommaire finisse par avoir quelques succès dans l'éducation des masses et la perpétuation d'un devoir de mémoire. A trop vouloir associer le 3e Reich à une essence maléfique comme par le jeu d'une association systématique, on finit par rendre les mécanismes intellectuels vides de sens. Ainsi s'installent des automatismes étonnants qui font qu'au final, et de plus en plus, c'est OK d'être homophobe, tant qu'on n'est pas raciste.

Donc, comme on avait déjà bien saisi, avec les tomes 1 à 3, que les nazis étaient portés sur l'occulte, qu'un vieux vampire présidait à leur avènement, qu'Hitler était extrémiste et antisémite, que la rouquine italienne, un peu cochonne et pas très amicale qu'on verra plus tard, est une arriviste de première et que la majeure partie de l'intrigue prend naissance à Berlin, on ne verra pas d'intérêt à s'arrêter sur ce tome nul.