5.5/10Nouvelles du monde invisible

/ Critique - écrit par Luz, le 26/11/2008
Notre verdict : 5.5/10 - Pas de nez, pas de poisson pané ! (Fiche technique)

Tags : denis jean claude monde nouvelles futuropolis invisible

Jean-C. Denis se lance encore en solo dans un album divisé en onze nouvelles faisant office de chapitres, dont dix imagés.

Des images...

J-C. Denis se met en scène dans un plaidoyer pour la reconnaissance de son don, de son "nez", dévoilant quelques hasards de sa vie, en rapport avec celui-ci. Ses aventures amoureuses, ses voyages, et sa vie quotidienne apparaissJean-C rien !
Jean-C rien !
ent par petits morceaux odorants, que ce soit dans le passé ou dans le présent.

Décrire des senteurs avec peu de mots, et/ou quelques coups de crayons, n‘est pas forcément une idée facile à réaliser, mais c'est loin d'être impossible (preuve en est : Le parfum de Süskind). Ici, moins de mots, plus de dessins : on peut reconnaître à l'auteur une réelle volonté de réussir son ouvrage. Ce dernier nous rappelle aux odeurs de chaque jour, celles qui partagent notre quotidien ou croisent notre route le temps d'un soupir, que l‘on ne peut parfois pas éviter, et d‘autres fois que l‘on ne remarque même pas.

Pour un recueil de nouvelles sur le parfum, celui-ci manque d'odeur, et de nez. Tout nous est offert, comme des grands panneaux publicitaire pour Lancôme, McDonald, ou le Salon du Film X sur le bord d'une zone industrielle. Le parfum qui nous rappelle quelque chose de léger, de subtil, ou de dérangeant, de prenant, n'est ici... qu'inexistant et invisible. Comme le monde dont sont tirées les nouvelles, ce qui tombe bien, en soi.

Tellement inodore qu'on a du mal à lire le tout avec ferveur, car le problème est là : à vouloir faire un récit explicatif, il nous ennuie et reste toujours à deux doigts de sombrer dans le « moi je, moi je ». A deux doigts, pas plus, mais malheureusement pas moins. Ce qui fait que cette bande dessinée n'est ni formidablement géniale, ni excessivement mauvaise, elle est simplement pas mal, ou tout du moins moyenne : on court sur la ligne du milieu, pas d'extrême, pas d'excès, ce qui est embêtant pour un récit contant une passion dont le personnage principal cherche à nous convaincre. L'auteur semble surtout se faire plaisir lui-même, en ressassant, et réécrivant des petites anecdotes prouvant ses dires à un auditoire composé non pas de lecteurs, ou du personnage de sa petite amie, mais bien de lui seul.

Un petit poisson, et ça sent bon !
Un petit poisson, et ça sent bon !
Cependant, côté esthétique, cette bande dessinée est un vrai bonheur sur pages. Peu de couleurs : du noir, du blanc jaunissant, et du bleu-gris. Des personnages ressemblant à des caricatures humaines, appuyant le côté autobiographique et personnel de l'ensemble. Les odeurs sont dévoilées au travers de courbes flottant entre les pages, prenant beaucoup de place dans le dessin, tout comme dans la première de couverture. Les traits sont sombres, forts et appuyés, dévoilant un vrai monde bien vivant, plein d'expression et de dynamisme, où l'on pourrait se perdre dans nos rêves sous les yeux protecteurs d'un petit poisson.

... et des mots.

Le dernier chapitre de ce petit recueil de nouvelles imagées est un texte d'un peu plus d'une quinzaine de pages, retraçant, expliquant et concluant les pages passées, mais ne s'éloignant pas du discours à la première personne de Jean-C. Denis. Passant de la nouvelle à un essai, l'auteur met des mots sur des images, des mots sur des odeurs, des mots sur des sensations, et du coup, ça fait beaucoup de mots à mâcher. Seulement, avec son dernier paragraphe, il sauve l'intégralité de son œuvre, effaçant cette petite arête du milieu de notre gorge, en y mêlant une chute humaine :

On avance « au flair », on évalue les choses « à vue de nez » quand ce n'est pas tout simplement au « pifomètre ». Ces formules laissent deviner le côté instinctif et hasardeux de l'aventure, mais elles convoquent l'odorat en bonne place. Elles lui restituent sa part active dans la démarche et sa contribution à ce mystérieux sixième sens qu'on appelle l'intuition et sans lequel rien ne se décide.