8/10Nahomi - L'intégrale

/ Critique - écrit par athanagor, le 08/02/2009
Notre verdict : 8/10 - N'a rien omis du tout (Fiche technique)

Tags : crisse nahomi integrale manga jeunesse comics eur

Parue dans les pages du Journal de Tintin entre 1980 et 1987, les aventures de Nahomi sont les premières réalisations publiées de Didier Crisse, et l'amorce de la carrière qu'on lui sait.

Couverture de l'Intégrale parue en 2009
Couverture de l'Intégrale parue en 2009

Crisse c'est bien sûr Kookaburra, Les ailes du Phaéton, Atalante et Luuna mais il fut un temps où Crisse (et avant tout ça bien sûr), c'était Nahomi. Pour ceux qui avaient oublié cela ou qui ne l'ont pas connu (ou qui ne le savaient pas), pour tous ceux-là, Le Lombard sort cette intégrale des aventures de la petite princesse japonaise de l'île de Tang. On avait à l'époque pris l'habitude de la surprendre dans les pages du Journal de Tintin, entre Les Casseurs et Olivier Rameau, alors que le périodique se tirait gentiment la bourre avec Le journal de Spirou, pour savoir lequel des deux avait les meilleures séries, et que tous les lecteurs, se foutant éperdument de la controverse, achetaient consciencieusement les deux chaque semaine.

Cette intégrale présente, comme son nom l'indique, touteLes intégrales permettent...
Les intégrales permettent...
s les aventures de la petite princesse, déjà sortis en 3 albums, regroupant ainsi toutes les planches parues dans ledit journal, entre 1980 et 1987, y compris celles de Les sept perles noires, dernière des aventures de Nahomi, restée inachevée. On trouve également des couvertures réalisées pour ce même journal, bref tous les ingrédients prompts à remuer la nostalgie de cette époque, peut-être pas plus facile, mais certainement plus rigolote.

Accompagnée de ses amis, Tengu le samouraï garde du corps ; Noya Lee le sorcier officiel de l'île de Tang ; Ly Fô la licorne ailée (excusez du peu) et le Roi Panda, Nahomi se retrouve le plus souvent embarquée dans des aventures à l'importance démesurée au regard de son âge, qu'elle considère toujours, pour les mêmes raisons, avec une candeur amusante et une simplicité charmante, que ne laisserait pas supposer son rang. Bref c'est une chouette petite fille simple, témoin d'aventures à valeur de contes, ... bien sûr de prendre...
... bien sûr de prendre...
élaborées par Crisse (et parfois par Michel Bom) autour du folklore supposément japonais. En effet, le bel intérêt de cette intégrale, qui la place au dessus du simple fait de posséder les trois albums de la série, c'est le témoignage de Crisse sur son travail et sa carrière, témoignage lui aussi légèrement teinté de nostalgie. En ce sens, on a droit à une explication sur la naissance de l'héroïne en forme de mea culpa, l'auteur confessant que ses connaissances d'alors sur la culture japonaise ne dépassaient pas celle de l'homme de la rue, ce qui au début des années 80 devait représenter le volume d'un timbre-poste, et pas les collectors qui prennent toute l'enveloppe. Avouant, les joues pourprées de honte, sa légèreté dans le mélange des genres avec la mythologie nordique, il revendique surtout un impact stylistique et une fraîcheur du personnage et de ses aventures dans le monde de la BD d'alors. Franchement, bien mal avisé celui qui penserait à lui en tenir rigueur. Le but est atteint amplement et le développement de ces histoires offre un divertissement de qualité, nonobstant la justesse des références culturelles dont (martelons-le car c'est important) tout le monde se fout dans le cas présent.

On a également droit à un petit cours détaillé de la façon dont sont construites les planches, du crayonnage à la couleur, avec une explication du dialogue existant entre un dessinateur et son coloriste, qui bien que certainement différent pour ... la mesure de l'évolution...
... la mesure de l'évolution...
chacun, est d'une valeur informative certaine. Pour rester dans la dimension "réalisation d'une BD" et pour noyer de joie les vrais fans, on a droit à la fin inédite de ce qui est resté la dernière aventure inachevée de Nahomi, Les 7 perles noires, donnée moitié sous forme de planches dessinées (mais seulement jusqu'à l'encrage) moitié sous la forme du scénario écrit.

Un autre avantage de la réédition de tels ouvrages, c'est de permettre au lecteur de porter un regard sur ce qu'a été la BD à une époque donnée. A la lecture de Nahomi on constate des histoires plus simples, des ficelles plus grosses, des dénouements plus rapides et, toujours, satisfaisant la morale. On peut voir là l'évolution de la BD dans son ensemble, qui a tendu vers une complexification des trames des histoires éditées et une propension à se porter dans la direction d'intrigues plus sombres, plus sérieuses et plus alambiquées. On peut aussi l'interpréter comme la production d'un auteur jeune à l'expérience et à la ... graphique d'un auteur.
... graphique d'un auteur.
réflexion plus éparses. On peut à l'inverse, voir ces pages comme essentiellement destinées à un public jeune, et on observe alors les méfaits des boissons gazeuses et de la restauration rapide sur deux générations d'êtres humains. La question reste en suspend mais l'intérêt demeure, pensons-y avant de l'oublier à nouveau.

Bref un fort beau livre, qui nous replonge quelques années en arrière, assorti ça et là de productions nouvelles et qui sera du meilleur effet chez tous les connaisseurs, aussi bien dans leurs bibliothèques que dans leurs cœurs, s'ils ne possèdent pas déjà la collec' complète s'entend.