9.5/10Kid Congo

/ Critique - écrit par iscarioth, le 03/09/2005
Notre verdict : 9.5/10 - Un duo au sommet (Fiche technique)

Tags : congo kid club punk rock groupe pink

Kid Congo marque profondément le lecteur par sa tristesse, voire même par son sens tragique. Une belle réussite.

Les auteurs

Loustal est un dessinateur bénéficiant d'une réputation bien assise dans le monde de l'art et de l'illustration. A l'instar d'un Bilal, d'un Tardi ou d'un Hergé, son style est reconnaissable au premier coup d'oeil. Depuis les années quatre-vingt, Loustal a su séduire un large public et a même touché une certaine sphère élitiste qui considère habituellement la BD comme un entre-deux bâtard. Philippe Paringaux, lui, est moins connu. C'est l'homme de l'ombre, le scénariste qui se cache derrière bien des succès (Coeurs de sable). Les deux hommes se sont révélés ensemble, toute fin des années soixante-dix, dans les pages de Métal Hurlant.

L'histoire

Afrique, début 20ème siècle, dans une colonie française. Joseph, jeune serviteur noir, devient l'amant de Madame Rose. Leur vie bascule lorsque le mari les surprend faisant l'amour dans la couche conjugale.

Un procédé narratif

Beaucoup qualifient les oeuvres de Loustal et Paringaux de littéraires. Certainement est-ce pour cela que les deux auteurs ont une si bonne réputation auprès des élites lettrées. Ces élites ne voient dans la BD qu'une juxtaposition de l'écrit et du dessiné. Un mélange qui, pour gagner en qualité, doit basculer nettement du coté de la peinture ou du roman sous peine d'être considéré comme un résidu bâtard. Le procédé narratif utilisé par les auteurs relève, à première vue, de la juxtaposition. Dans Kid Congo, peu de dialogues. L'histoire nous est contée, racontée, par un liseré narratif en bas de chaque vignette. Formellement, le dessin de Loustal n'a qu'une portée illustrative... En gage d'analyse, ce type de constatation suffit à l'esprit ne percevant pas la bande dessinée comme un monde unique, affranchi et autonome, digne d'être appelé neuvième art. En lisant Kid Congo, on ne cherche pas à arbitrer un match entre le lu et le vu. L'ensemble est définitivement cohérent et indivisible. Le dessin de Loustal, pourtant très stylisé, sait nous faire ressentir des impressions aussi brutales que l'angoisse, la pâleur, la nausée, la décrépitude et le dégoût. Soulignons aussi l'importance d'une palette expressionniste, qui épouse le ton du récit avec force.

Une dimension biographique et singulière

Kid Congo est une épopée individuelle et humaniste. C'est l'histoire d'amour d'un couple à l'agonie. Au départ, Kid Congo était un synopsis de film écrit par Paringaux. Devenu bande dessinée, ce récit touche le public par son honnêteté, son humanité. L'histoire mise en scène est individuelle mais relève les douleurs collectives d'une époque : l'Afrique colonisée, dans un état très proche de l'esclavage, l'Europe en guerre, la misère et les disparités... Kid Congo marque profondément le lecteur par sa tristesse, voire même par son sens tragique. Une belle réussite récompensée à Angoulême en 1998 par l'Alph Art du meilleur scénario.