Indiscrétions (Dis-moi comment tu baises...)
Bande Dessinée / Critique - écrit par Maixent, le 16/12/2010 (Un travail surprenant sur l'intimité, le regard et le positionnement de l'artiste. Un ouvrage troublant et satisfaisant intellectuellement.
Impossible même maintenant à la deuxième lecture de me faire un avis tranché quant à ce reportage érotique.
L'idée de départ est pertinente. Axterdam, connu pour ses dessins s'inspirant de l'univers fétichiste et illustrant les livres de la collection Osez ou les Cahiers de Vacances érotiques à la Musardine décide de dessiner sur le vif des couples faisant l'amour, agrémentant ses dessins de notes personnelles retranscrivant aussi bien la situation, que l'ambiance ou les sentiments personnels de l'auteur.
portrait de l'artiste au travailOn est donc transposé malgré nous dans le rôle du voyeur à travers un ouvrage mi-récit, mi-bd, soit un roman graphique, et en tout cas assez perturbant. Le dessin étant réalisé en direct, il ne faut pas s'attendre à un rendu très élaboré, Axterdam ayant choisi de toute évidence de mettre l'accent sur le mouvement plutôt que sur l'esthétique. En ressort un travail d'esquisses plus que de bande dessinée. Six séances sont ainsi mises en lumière, que ce soit des parties à deux, trois ou plus, dans un cadre allant du sadomasochisme le plus rigoureux à l'amour fusionnel d'un couple mais toujours traitées professionnellement par l'auteur.
Les différents niveaux de lecture sont intéressants, comme lors de cette séance avec
"Une ombre satanique apparaît" maîtresse Cindy qui donne à voir une séance particulièrement cruelle avec son soumis lors de laquelle, l'auteur se demande s'il va tenir le coup alors que le sang commence à perler sur le corps de l'homme. De même, le lecteur est embarqué et se demande fasciné comment il va pouvoir poursuivre la lecture alors qu'il n'est en aucun cas menacé. La position de l'artiste est donc dérangeante de bout en bout, laissant entrevoir une intimité sans concessions, dont l'esthétisme, comme les jugements moraux sont absents. Il nous immerge dans un monde interdit duquel on ne ressort pas indemne, ce qui explique sans doute l'image finale de l'auteur rentrant chez lui, accueilli par une voix pleine d'amour, comme un pendant à trop de crudité.
Même si, à aucun moment, on ne parle de perversions ou de déviance, ce monde interdit est ici exposé dans toute sa violence animale et dans toute sa beauté, ce qui rend l'ouvrage si fort et inclassable.
Sur le vifAu final, impossible de dire si c'est bon ou mauvais. C'est fort, c'est un parti pris engagé, c'est dérangeant. Alors bien sûr, on pourra reprocher à l'auteur de ne pas avoir finalisé ses dessins, mais cela aurait eu pour effet de polir tout cet effet un peu dégueulasse, excitant et suant de l'acte sexuel. On pourrait aussi lui reprocher de ne pas rester objectif, en ne prenant pas assez de recul par rapport au sujet comme dans cette soirée sado-maso à laquelle l'auteur participe, devant de son propre aveu « lâcher ses crayons » à certains moments de la soirée. On pourrait aussi lui reprocher ses bavardages poétisants qui rappellent un érotisme de salon dans un contexte si particulier.
Mais ce qu'il faut retenir c'est que ce reportage érotique traité comme du Gonzo permet de cibler un monde souvent décrié avec beaucoup d'acuité et de justesse et qu'il s'agit ici d'un vrai travail abouti et prenant.