Histoires extraordinaires d'Edgar Poe - Tome 2 - Usher
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 01/05/2009 (Tags : poe edgar eur histoires allan extraordinaires usher
Variation en forme de pot-pourri autour de l'univers d'Edgar Poe (Poe-pourri ? on n'ira pas jusque là, même pour le plaisir du jeu de mots), cet Usher pèche essentiellement par un manque de lisibilité et une mise en couleurs trop dense.
Les Histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe ont de tous temps inspiré les raconteurs d'histoire, qui ont cherché à les relayer par la traduction (Charles Baudelaire), l'adaptation cinématographique (Robert Florey, Roger Corman... depuis plusieurs dizaines d'années, chaque année voit naître plusieurs nouvelles versions ciné ou télé) ou l'extrapolation libre (le roman Retour à la maison Usher par Robert Poe, un lointain parent). La bande dessinée de Roger Seiter et Jean-Louis Thouard s'inscrit dans cette dernière mouvance : il s'agit pour eux de réunir divers éléments des écrits de Poe, et d'en tirer une intrigue feuilletonesque nouvelle, où plusieurs paramètres policiers et fantastiques s'entrechoquent
joyeusement. La démarche fait penser à la Ligue des Gentlemen extraordinaires d'Alan Moore, à ceci près qu'il s'agit ici de faire une synthèse de l'œuvre d'un seul auteur.
D'après la page de garde, on assiste dans ce deuxième tome à une compilation libre de trois nouvelles : Le puits et le pendule, Petite discussion avec une momie et La chute de la maison Usher. En fait, le retour des personnages du premier tome (Le scarabée d'or) permet de noter davantage de clins d'œil : les héros s'appellent Edgar Legrand (baptisé d'après William Legrand, protagoniste du Scarabée d'or chez Poe) et William Wilson (issu de la nouvelle William Wilson, normal), tandis qu'une allusion appuyée est faite au Double assassinat dans la rue Morgue. L'écrivain a décidément laissé un patrimoine bien riche pour un bonhomme mort à tout juste 40 ans.
Legrand et Wilson, en fuite après les évènements du premier tome, s'en vont payer une visite à Roderick Usher, gentilhomme décavé dont la famille subit le joug d'une malédiction morbide. Afin d'être sûr de ne pas manquer de matière, l'histoire accueille également un trésor, une bande de coupes-jarrets menée par un barbu intraitable, et une momie égyptienne qui ne demande qu'à rouvrir les yeux en ce XIXème siècle ouvert à l'expérimentation hérétique.
Le brassage des intrigues n'est pas un problème en soi, et il résulte ici en une aventure foisonnante au bon parfum de série B, rebondissements et scènes d'action à la clé. Mais la réalisation laisse franchement à désirer : outre la naïveté occasionnelle des dialogues de Seiter, et la maladresse de la narration en certains endroits (le passage de la page 26 à la page 27, qui effectue un saut temporel sans didascalie), le dessin de Thouard et sa mise en couleurs peuvent facilement rebuter. Le relatif manque de profondeur des images est probablement la raison de l'abondance de couleurs lourdes, destinées à donner de l'énergie et de la densité ; malheureusement, elles se contentent de surcharger un graphisme imparfait, qui rend la lecture peu aisée. Les audaces de découpage (les cases en biseaux) ne semblent pas toujours totalement maîtrisées : le haut de la page 25, par exemple, n'apporte rien à la narration.
Malgré sa maladresse formelle, la bande dessinée de Thouard et Seiter est loin d'être antipathique, et la promesse de nouveaux tomes permet d'espérer un raffinage futur de leurs techniques respectives. Tant que Poe aura de l'eau à apporter à leur moulin, Legrand et Wilson auront des eaux troubles à explorer.