7/10Le Gardien du Feu - Tome 1 - Goulven

/ Critique - écrit par athanagor, le 08/04/2009
Notre verdict : 7/10 - Ne pas se laisser phare (Fiche technique)

Adaptation d'une oeuvre d'Anatole Le Braz, cette bande dessinée jouit d'un excellent découpage servi par une illustration touchante.

Cet album est l'adaptation d'un roman d'Anatole Le Braz paru en 1900, dont la narration est assurée par le personnage principal, Goulven Denès, qui, De l'amour...
De l'amour...
écrivant un rapport à son ingénieur, lui raconte son histoire personnelle. Comment de marin il est devenu un employé modèle de la société des phares bretons. Comment lui, taciturne léonard, est devenu le mari d'une trégorroise joueuse et insouciante, Adèle. Cette longue lettre est en fait l'explication détaillée de son geste, que l'on devine, peu à peu, terrible.

Au titre d'une promotion inespérée au regard de son ancienneté, Goulven est nommé gardien-chef du phare de Gorlébella, sur le cap Sizun. Cette situation force le couple à revoir son mode de vie. Pour quinze jours l'un auprès de l'autre, il faut payer un mois de séparation, le phare se trouvant en mer. Enfermés tout deux dans les rigueurs de cette nouvelle vie, ils vivent chacun cette séparation d'une manière différente . Adèle attend avec impatience les jours auprès de son mari, alors que Goulven ne sait voir que la prochaine séparation, enfonçant encore son humeur dans des ténèbres difficilement supportable pour sa femme. Celle-ci doit alors endurer un mois seule avec les commères du village, qui ne voient en elle que la femme du gardien-chef et la rejettent donc, pour ne retrouver que pour quinze jours un mari dépressif. Conscient de l'horribl... à la mer.
... à la mer.
e situation de sa femme, Goulven lui propose de rentrer en son pays lors de ses absences prolongées, pour tenter de lui donner matière à se réjouir. Elle en ramène un lointain cousin, qui cherche à faire carrière dans les phares. Avec l'aide de Goulven, il pourra bientôt monter en grade. Et ce n'est pas plus mal, car le jeune homme est plaisant. Il s'entend avec tous, grâce à sa bonhommie naturelle et à cette sorte de charme que possède certain, de savoir envoûter tous les publics.

Goulven entrecoupe la description de son passé d'allusions sur le présent, pendant lesquels le lecteur est invité à le suivre. Il révèle alors avoir enfermé dans une salle du phare ceux qu'il appelle la créature et son amant, que l'on identifie bien vite.

L'histoire et son dénouement ne sont pas l'intérêt réel de cette BD. Le mieux pour cela serait de se procurer le livre original. L'adaptation qui en est faite est le vrai bonus. Le découpage, le rythme, l'ambiance. Tout cet ensemble narratif partagé entre le présent, rempli de haine et d'une folie sourde qui emplit l'esprit de Goulven, est fabuleusement mélangé à la légèreté des souvenirs d'une vie heureuse. Cette légèreté, cette gaieté, plus ressentie que réellement lue, s'estompe imperceptiblement à l'approche de la concordance des temps. S'il faut voir dans le découpage de l'histoire le travail sur le scénario, et dans la souplesse du rythme la qualité du dessin, c'est bien le travail sur les couleurs qui pose l'ambiance et l'intention réelle de l'histoire. Alternant la noirceur des éclairages glauques qui nimbent les moments de désespoir à la luminosité tendre des instants joyeux, comme autant d'éclaircies honorant discrètement mais toujours avec bonheur les Vaste sujet
Vaste sujet
paysages bretons, il offre, par le mélange savant de ces deux atmosphères, la vraie subtilité de cette adaptation.

D'une certaine façon, ce tome 1 aurait pu se suffire à lui-même, quitte à ignorer une partie du dénouement original, tant la 48e page se termine sur une impression forte déjà remplie par l'intuition, savamment distillée au cours de la lecture, de ce qui va advenir. Espérons que le tome 2 sera conservé cette force expressive sans se gâcher, en offrant du trop réchauffé.