Le Fond du Bocal - Tome 6
Bande Dessinée / Critique - écrit par athanagor, le 07/11/2010 (On croyait le genre inépuisable sous la houlette de cet incroyable pêcheur d'idée qu'est Nicolas Poupon. On se trompait. Même les meilleurs faiblissent.
C'est à la faveur d'un délicieux renouveau que nous dissertions, il y a de cela un an, sur l'immense sentiment de respect que nous inspirait Nicolas Poupon, capable, dans le tome 5 des aventures aquatiques de ses petits personnages rouges, de redresser une barre que le tome précédent nous forçait de constater en déclin. Si le tome 4 commençait à sentir la fatigue, le tome 5 était, pour les amateurs du genre, une renaissance, voire quasiment une résurrection miraculeuse. La théorie était alors que Poupon, sur les 4 premiers tomes ressortait régulièrement des sketches d'antan, qui subissaient indubitablement l'épuisement de l'inspiration d'un auteur ne travaillant que sur un seul sujet. Le tome 5, quant à lui semblait faire feu de tout bois avec la créativité d'un auteur qui, reprenant sa série, avait pris assez de recul pour se renouveler. Malheureusement, cette glorieuse reprise reste plombée par l'ancienneté et l'exploitation intensive de son sujet, pour ne donner ici qu'un modeste ersatz de ce à quoi on s'était habitué.
En effet, Poupon revient avec la nouvelle marée, proposant de nouveaux sketches loufoques sur la vie en apparence morne de ses petits sujets, et le moins que l'on puisse dire c'est que cela commence à tourner en rond. Rompu que l'on est aux délires de l'auteur autour de ce singulier espace, on
finit par trouver la soupe un peu claire et le sentiment qui s'installe est celui d'un réel essoufflement. Même à vouloir prêcher pour l'indulgence, en souvenir de tant de merveilleux moments et, encore une fois, tirer son chapeau pour saluer le tour de force de faire 64 pages avec trois fois rien, on ne peut que constater que la pêche est maigre. Et c'est d'autant plus désolant que le tome 5, réinsufflant la vie au concept, était aussi bon que celui-ci est léger. On voudra croire dans un premier temps que c'est la lassitude du lecteur, qui n'est plus aussi émerveillé qu'avant et a fini par s'habituer aux performances de l'auteur, qui nourrit ce constat. Mais il est plus vraisemblable, après s'être tapé les cuisses sur prêt de 5 tomes quasiment sans discontinuer, qu'il s'agisse là du tarissement de l'inventivité au service du comique. Au final, peu importera de dégager des raisons, ce qui restera c'est l'impression que les filets sont bien vides.
Même à faire surgir de nouveaux personnages subsidiaires pour tenter de renouveler son sujet, ou à trouver de nouvelles combines pour les piliers de la saga, comme Bocalcatraz, le rictus provoqué sur l'ensemble de la lecture n'est pas franc et ressemble plus à une indulgence faite à un auteur qui a tant su nous faire marrer, avec un concept qui semblait, alors et sous son trait, inépuisable. Ainsi, sur ce dernier opus, Poupon a l'air d'être à sec. Les situations sont bien souvent banales et les conclusions très souvent le jouet d'un esprit qui ne trouve plus que des solutions un peu pâles, sinon lourdingues. Cette impression est tristement renforcée par le fait que l'on tourne les pages avec l'espoir de retrouver ce qui faisait le sel des premiers arrivages, car malgré tout on a encore envie d'y croire. Mais il faudra bien se rendre à l'évidence, ça ne marche plus.
Une ou deux fois pourtant, c'est un fou rire incontrôlable qui sera provoqué, preuve supplémentaire que le genre reste capable de surprendre le lecteur qui se croyait averti. Mais ces occasions fortes sont trop rares et, partant, soulignent un peu plus la légèreté du reste. On se sent alors renforcé dans l'impression qu'on a enfin fini d'en faire le tour, mais plus certainement dans l'opus précédent, et que celui-ci est peut-être l'album de trop.