6.5/10Les Flammes de l'Archange

/ Critique - écrit par athanagor, le 17/09/2009
Notre verdict : 6.5/10 - Chrétien vaut mieux que deux Séquana (Fiche technique)

Sur un principe rappelant Le nom de la rose, Guérin et Lacaf utilisent le Mont-Saint-Michel comme toile de fond d'une opposition entre christianisme et paganisme.

En 1508, Tiburce, moine-bâtisseur (comprenez architecte) arrive au Mont-Saint-Michel pour offrir son concours à la reconstruction du chœur de l'abbaye. Dans cette entreprise, il lui faudra gagner la confiance des moines du coin, d'autant que son âge avancé, déjà un problème à l'époque, ne semble pas le favoriser dans l'accomplissement d'une telle tâche. De plus, cet étranger aux cheveux blancs et longs réclame avec insistance les plans laissés par ses
prédécesseurs, soit disant pour comprendre les raisons de l'écoulement du chœur en 1420. Mais peut-on vraiment lui faire confiance ?

Réel polar médiéval à la sauce moine méfiants et fourbes, aux mœurs dissolues et membres d'une confrérie dont le but avoué est de bouter du païen, cette BD est dotée d'un histoire assez complexe, mais suffisamment bien agencée et présentée pour ne pas perdre le lecteur. Ce résultat doit beaucoup au format de 104 pages qui autorise un bon développement de l'intrigue et de l'enchaînement des situations qui la détermine. Ainsi, les motivations réelles des protagonistes apparaissent avec logique, permettant d'installer progressivement leurs histoires personnelles, et de les accoler aux divers fils qui tissent l'intrigue. Posant le tout dans un décor et une époque propices à toutes les superstitions, les auteurs en profitent aussi pour flirter avec le surnaturel. Mais bien évidemment, il ne s'agit pas ici de celui que l'on reconnaît dans des manifestations magiques surprenantes, mais bien de celui qui naît de l'ignorance des hommes et de leur incapacité conséquente à savoir expliquer tel ou tel phénomène. Ainsi nanti de cette toile de fond et du rythme impulsé, l'ensemble est posé sur des rails sûrs dont la seule sinuosité se révèle être les personnages eux-mêmes. La psychologie et les attitudes de certains d'entre eux apparaissent trop souvent comme peu crédibles, décapsulant le lecteur d'une histoire pourtant attachante en ce qu'elle arrive à mettre en scène, sans lourdeur, une intrigue mêlant paganisme et hypocrisie religieuse, dans une contexte historique à l'identité forte. En l'espèce, les saillies pseudo-comiques de
Guillemine et de Jehan, le capitaine des gardes, dans un simili-ballet de séduction à mots couverts qui n'apporte rien à l'histoire, apparaît à la longue comme un ajout superflu et maladroit, dont le seul résultat est de détourner l'attention du lecteur de l'intrigue centrale.

Un autre aspect rendant difficile l'adhésion totale réside dans le dessin très détaillé de Lacaf. Ce trait précis, pourtant idéal dans les nombreuses représentations architecturales nécessaires à une bonne immersion dans l'univers général du Mont, finit par alourdir, par des contours très chargés, les silhouettes et expressions des personnages. Appuyant avec insistance sur les traits des visages, l'illustration en arrive à se noircir de toutes ses rides d'expressions et autres poils de barbe, auxquels vient s'ajouter, comme en guise de surenchère, la couleur. Bientôt on se demande si celle-ci n'est pas de trop face à la foison de détails déjà portée par le trait de base, d'autant que, traitée sur un mode uni, très plat, elle ne semble pas rajouter grand-chose à l'illustration, si ce n'est l'hypothétique position du soleil ou du chandelier.

Pourtant appuyée sur une histoire attirante et servie par une mise en scène intéressante, cette BD souffre de quelques points qui finissent par détacher le lecteur de l'ensemble. Il n'en restera au final une lecture certes divertissante, mais loin d'être mémorable.