Fikrie
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 03/12/2006 (Tags : fikrie alessandra joel afrique rimbaud eur bulles
Fikrie est un petit album fort agréable, rapide à lire, qui brasse les thèmes de l'amour, l'inconstance, la poésie, l'Afrique et la pauvreté sans jamais trop s'attarder sur chacun d'eux. Une légèreté, avec tout ce que cela comporte comme qualités et défauts.
Les sociologues s'étant penché sur la question l'ont prouvé : la lecture a un rôle identitaire. Elle permet aux hommes de réflechir sur leur propre vie, leurs choix, leurs erreurs, leurs douleurs. Et, finalement, quoi de plus important et de plus épanouissant que l'amour ? Pas l'amour idéalisé et mièvre comme dans un navet hollywoodien, mais l'amour et ses dilemmes, ses illusions, ses déceptions. Fikrie touche à ce thème et, forcément, nous intéresse.
L'histoire est celle de Tom, qui part travailler dans un centre culturel français de Djibouti. Le rêve : quitter le train-train de Paris et refaire sa vie à l'autre bout du monde. Il dit à sa femme de ne pas le rejoindre tout de suite, d'attendre. Tom sait surement déjà qu'il rencontrera, là bas, une autre femme, qui constituera pour lui une aventure bien plus exaltante. Et c'est effectivement ce qui se passe. Tom rencontre Fikrie, une superbe africaine, le parfait fantasme. On retrouve encore ici le dilemme entre passion et raison, la douleur et l'incertitude du choix, le partage entre deux femmes, l'une représentant le rêve, la magie, l'aventure, et l'autre symbolisant un quotidien qu'on veut fuir. Beaucoup d'oeuvres se penchent sur le thème de l'amour, mais peu osent pointer du doigt cette réalité de l'instabilité des sentiments humains, ce gout immodéré pour l'insatisfaction, l'envie de rêver plus.
Une bonne partie de l'album s'attache à nous faire découvrir Djibouti, ses habitants, ses paysages. Les planches sont entrecoupées de citation des textes de Rimbaud. L'envie de poésie est flagrante. On relève une véritable tendresse de l'auteur Joël Alessandra pour les paysages africains, avec ces couleurs chaudes, dorées. Le dessin, en lui-même, peu déplaire et renvoyer une impression d'approximation. Les visages semblent parfois inconstants, les corps s'élargissent ou s'allongent comme si la morphologie des personnages (surtout celle du personnage principal) n'était jamais totalement fixée. C'est un style, qui s'inscrit dans la mouvance moderne, mais sans donner l'impression de singer telle ou telle école. Comme l'indique très justement la Boîte à bulles dans sa présentation de l'album, on pense à un croisement entre Loustal (pour les formes ciselées, bien que moins grasses) et Ferrandez (pour les couleurs fascinées des paysages africains).
Fikrie est un petit album fort agréable, rapide à lire, qui brasse les thèmes de l'amour, l'inconstance, la poésie, l'Afrique et la pauvreté sans jamais trop s'attarder sur chacun d'eux. Une légèreté, avec tout ce que cela comporte comme qualités et défauts.