Il fera beau demain
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 23/02/2008 (Tags : fera demain beau villard reculas lits jeunesse
Un super-héros du coin de la rue tombe amoureux de la reine des grenouilles. Une histoire toute simple mais vraiment touchante, drôle et rafraîchissante comme la bruine en été.
La collection Igloo de Carabas a pour vocation de s'adresser à tous les publics. Pas seulement en terme d'âge, mais également en terme de goûts, à en juger par ce nouvel album qui tient à la fois de la parodie de comic book super-héroïque et du récit romantique intimiste. Un mélange surprenant, qui fonctionne étonnamment bien et constitue une des meilleures surprises de ce début d'année.
Le héros (dont on ne connaît pas le véritable nom, remarquez bien) est un jeune homme au super-pouvoir bien innocent : il peut arrêter la pluie. Ou plus exactement, la pluie ne tombe pas dans un rayon de quelques centimètres autour
de lui, le laissant à l'abri de la tourmente alors que Paris est plongé dans un été pourri. Sous l'identité de AntiPluieMan (eh oui), il accompagne les vieilles dames qui vont faire leurs courses pour ne pas qu'elles se mouillent. Mais deux rencontres vont changer sa vie : Valéry-René Pujol, entrepreneur enthousiaste qui lui propose de tirer profit de son don, et une jeune fille court vêtue qui semble être la seule personne à prendre plaisir... à marcher sous la pluie. Accompagnée de sa grenouille Froggy, elle danse sous la pluie comme d'autres y chantent, et semble être la dernière personne au monde à avoir besoin d'AntiPluieMan. Quel dommage...
Si le mélange des genres est le moteur de cet album, François Duprat annonce pourtant la couleur dès la couverture : il ne s'agit pas d'un pastiche lourdingue des aventures traditionnelles de super-héros, mais bien d'un récit émouvant, à hauteur humaine. La jeune danseuse est montrée assise sur un toit parisien, recevant la pluie sur la tête en compagnie de sa grenouille dans une position anthropomorphe cocasse. Le ciel est d'une couleur étrange, un rose sombre et doux typiquement féminin, et il occupe une large place dans le dessin, suggérant qu'il y manque un élément. Ou une personne. Le héros de l'histoire, par exemple.
De son idée peu banale (un parapluie humain), Duprat tire un scénario simple mais subtil, misant à fond sur l'empathie du lecteur pour ce jeune homme déphasé qui ne
sait pas quoi faire de son pouvoir. Actuellement au cinéma, on trouve la version hollywoodienne pourrie du même thème : ça s'appelle Jumper et on y résout la question en introduisant Samuel L. Jackson et une armée d'assassins... Inversement, Il fera beau demain offre la solution, plus française, de la dérision (tendre) et de la psychologie (option romantique). AntiPluieMan préfèrera-t-il les sirènes du pognon ou celles de la romance ? Bien qu'on n'ait pas tellement de doute sur l'issue de la fable, celle-ci est menée avec tant de poésie et d'humour qu'on y adhère sans problème. Le dessin et la mise en page sont sobres et maîtrisés, traversés d'idées discrètes mais efficaces (la jeune fille qui s'affranchit des frontières de la case en dansant, le héros prisonnier de deux rideaux de pluie dans une case horizontale...). Et honnêtement, qui n'a jamais rêvé de se balader en pyjama vert et de rencontrer une brunette qui danse sous la pluie ?...