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9/10Dodo, chronique d'une maison close

/ Critique - écrit par Maixent, le 03/06/2013
Notre verdict : 9/10 - Dodo, espèce en voie de disparition (Fiche technique)

Tags : livres maison livraison livre droit prix jeunesse

En décembre 1945, l’aventurière et espionne Marthe Richard demande au Conseil Municipal de Paris la fermeture des maisons closes. Une loi sera votée en ce sens en avril 46. Le fichier national de la prostitution est détruit et environ 1 400 établissements sont fermés mais la prostitution reste encore une activité libre, la loi condamnant uniquement l’organisation et l’exploitation. En quelques mois, l’affaire est réglée, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, les décisions n’attendaient pas. L’histoire de Dodo, qui avait commencée durant l’Occupation peut alors se conclure.

L’album est divisé en deux chapitres qui ont été en leur temps des albums indépendants. Le premier, Dodo 13 ans, en présence de sa
apprentissage
tante seulement
  était dessiné par Georges Lévis, le second, paru quelques années après, Dodo la petite pensionnaire, par Romanini et Filipucci. Cela n’empêche pas les albums de s’enchaîner parfaitement, avec une truculente galerie de personnages que l’on retrouve pour la plupart dans les deux chapitres. Le premier commence un peu plus d’un an après l’Occupation pour s’achever à la Libération et le débarquement des américains sur le sol français. Le second est dans la continuité immédiate et se termine avec la fermeture de l’établissement. Soit une période de quatre ans pendant laquelle la jeune Julie qui deviendra Dodo va apprendre un nouveau métier et être confronté à l’univers particulier des maisons closes.

Dodo est une jeune demoiselle normande qui quitte son domicile pour Paris en présence de sa « mère » et de celui qui deviendra son mac, Léon, pour intégrer la maison de tolérance de Madame Betty en tant que femme de chambre. Entourée de plusieurs filles ayant chacune leur spécialité elle va apprendre les us et coutumes de la maison et empocher de gros pourboires, ce qui la poussera à devenir une pensionnaire à part entière. En parallèle de la vie de la maison et de l’évolution de Dodo, l’album présente un aspect plus historique en détaillant les pratiques collaborationnistes et les retournements de veste
Dodo et son "papa"
de certains prêt à tout pour profiter du système sans aucun engagement politique. Dans le second opus, ce sera surtout l’aspect social et la fameuse loi Marthe Richard. D’autant plus que même le vocabulaire argotique utilisé plonge instantanément le lecteur dans le passé.

Ainsi, l’album est extrêmement riche. Chaque personnage ayant son importance, cela procure une densité à l’écriture, entraînant le lecteur sur différentes pentes. On découvre par exemple les clients de l’hôtel, leurs penchants parfois violents, souvent ridicules, avec cette idée clairement exprimée que la prostitution permet de contenir tous ces fantasmes dans un lieu maîtrisé par des professionnelles, ce qui est au final une bonne chose pour la société bien-pensante. D’autant plus que les filles apparaissent pour la plupart épanouies même si les risques qu’elles encourent ne sont pas mis de côtés. On est dans une fresque historique réaliste malgré certains aspects un peu exagérés.

Dodo est un beau personnage. Sensée avoir treize ans pour appâter le client mais n’ayant que quelques années de plus, elle est la caution pédophile, tenant à merveille son rôle dans la maison de la petite fille espiègle punie par son papa. Mais si elle joue l’ingénue, c’est surtout
Quand les nazis viennent s'amuser
pour arriver à ses fins. Ayant mis le dévolu sur Léon, elle en fait son protecteur tout en lui refusant sa virginité et s’il pense pouvoir faire ce qu’il veut de la jeune fille, ce sera elle qui l’embobinera à la fin. On s’attache donc très vite à cette gamine qui prend sa vie en main et décide de son corps malgré sa position. D’autant plus que le plaisir est réel sans être exagéré, les auteurs ayant réussi un subtil mélange ne faisant pas passer Dodo ni pour une professionnelle du sexe feignant son épanouissement ni pour une victime de la société. Elle est un personnage complet se permettant de juger le monde qui l’entoure mais jamais victime.

Si le dessin change entre les deux chapitres, la transition est assez douce. Le style reste le même mais la ligne est plus claire dans la seconde partie et les couleurs plus unies. Pour le reste, la sensualité est toujours présente et si la première partie apparait plus attirante, ce n’est qu’une question de goût.

Un très bon album au final, instructif, complet, attachant et excitant, qui remplit parfaitement son contrat. Dodo et les autres restent en tête un bon moment, ayant réussi à appâter le client qui ne demande qu’à rester plus longtemps même après avoir refermé le livre.