6.5/10Dessine-moi le bonheur

/ Critique - écrit par riffhifi, le 05/09/2008
Notre verdict : 6.5/10 - On dit « s’il-te-plaît » (Fiche technique)

Tags : bonheur dessine accessoires cartes sacs auteurs dessin

Patchwork de points de vue brièvement exprimés, l'album a le mérite de réunir des auteurs francophones et sud-américains sous une même couverture. Le bonheur est-il pour autant dessiné dans cette quarantaine de pages, ou juste esquissé ?

Le projet est étonnant mais attendrissant : Pauline Bignon, qui a fêté le mois dernier ses vingt-quatre ans, s'est mis en tête de réunir une palette d'artistes de bande dessinée autour d'une définition picturale et narrative du bonheur. Et plutôt que de se contenter de frapper à la porte de quelques auteurs francophones, elle est partie avec Frank Cedolin (vingt-trois ans cet été, jeunot aussi) à la rencontre de bédétistes d'Amérique du Sud pour leur soumettre la même demande. On comprend mieux la couverture dessinée par Emmanuel Lepage : le couple enlacé n'est pas allongé sur une plage au sable jaune, comme on aurait pu le croire hâtivement étant donnée la période de sortie de l'album ; à y bien regarder, ils sont sur une route d'Amérique du Sud, à quelques centimètres de leurs vélos et d'un feu de camp... Leur bonheur s'est trouvé dans la réalisation de cet album sur le bonheur...

Mais pour le lecteur, que contient ce volume conceptuel ? Trente pages de bandes dessinées, huit histoires, douze auteurs. Un rapide calcul vous mettra sur la voie : Emmanuel Lepage
Emmanuel Lepage
chaque œuvre fait trois à quatre pages, un format propice aux gags mais bien limité pour développer une histoire complète ou une réflexion profonde sur la notion de bonheur. Les auteurs se prêtent pourtant au jeu du mieux qu'ils peuvent, et le résultat est aussi hétéroclite que peuvent l'être les albums choraux.

Côté francophone, si on peut juger à la limite du foutage de gueule l'option de Max Cabanes qui consiste à commenter un tableau de Matisse, on appréciera plus facilement les tentatives de Lepage et du duo Christin-Juillard de saisir les images du bonheur telles qu'ils ont pu les observer dans leur expérience personnelle. Leo et Rodolphe, quant à eux, jouent en terrain connu puisqu'ils proposent un mini-épisode de Trent bien pensé mais forcément trop court (quatre pages, nom dudjû !).

Dans la partie sud-américaine, les auteurs sont forcément moins connus, mais leurs pages en sont d'autant plus rafraîchissantes et inattendues, dévoilant une part d'ombre et de cynisme bien plus grande que chez leurs homologues franco-belges : Cristian Mallea et Thomas Dassance
Cristian Mallea et
Thomas Dassance
Rodrigo Salinas fait semblant de traiter le sujet mais part vite dans un trip à l'acide quasiment incompréhensible à base de crayons géants, Angel Mosquito trouve le bonheur dans la revanche mesquine, Cristian Mallea et Thomas Dassance explorent la voie génétique en montrant un personnage de chercheur fou (peut-être la meilleure idée de l'album, loin du cliché béat), tandis que Pablo de Santis et Juan Saenz Valiente trouve, comble du comble, le bonheur dans le malheur...

Plus qu'un véritable moyen de saisir l'essence du bonheur, l'album est surtout une porte ouverte sur le neuvième art sud-américain, à tel point qu'on regrette presque que seule la moitié des histoires aient été traitées outre-Atlantique - malgré la qualité des planches de Lepage. Après tout, à 10 euros la découverte, on peut bien se procurer cet opus au format souple, qui passerait presque pour un cahier de vacances vu de l'extérieur...