8/10La Dernière des salles obscures

/ Critique - écrit par iscarioth, le 06/01/2006
Notre verdict : 8/10 - Autobiographie mensongère (Fiche technique)

L'histoire de La dernière des salles obscures est une histoire d'humanité, de patrimoine, de cinéma et d'amour. Des thèmes brassés au travers des souvenirs fantasmatiques d'un seul homme

Avec la génération de nos grands parents ou arrière grands parents disparaît un patrimoine historique vivant. Une fois nos aînés morts, nous ne pourront plus ressentir l'histoire réelle du vingtième siècle, celle transmise, au fil des discussions, par des souvenirs personnels. Heureusement, il nous reste deux petites consolations : les livres d'histoire et la fiction. Il y a des scénarios qui nous permettent de revisiter les grands thèmes de notre passé. Raoul Rosensztroch est né en même temps que le cinéma. Et comme le neuvième art, il a traversé tout le vingtième siècle. La dernière des salles obscures, c'est l'autobiographie de cet homme, une autobiographie « mensongère », selon les propres dires du personnage. Une autobiographie aux allures il est vrai très romancées : une naissance dans un cinéma, un tutoiement d'avant guerre avec Hitler, une irruption dans la vie de Charles Chaplin... Raoul Rosenszrtroch a côtoyé tous le mythes de son siècle... Mais aussi toutes les réalités : la première et seconde guerre mondiale, l'après-guerre, les deux blocs.

Inattendu, le duo Lapière-Gillon ne déçoit pas. Le découpage très particulier du diptyque ne fait pas honte au thème principal du scénario : le cinéma. Les vignettes sont de très grandes tailles, elles se placent souvent sur seulement deux lignes alors que l'album est au grand format. L'histoire ne s'articule pas de façon précipitée, les plans silencieux et descriptifs sont nombreux et contribuent à poser l'histoire, à ne pas perdre le lecteur dans un récit qui couvre tout de même un siècle d'événements. La dernière des salles obscures fait partie de ces rares récits à construire son histoire de manière non chronologique sans sembler confus. « J'ai volontairement opté pour un mode de narration particulier, qui privilégie les moments forts de l'histoire par rapport à la stricte chronologie des événements » rapporte Lapière en préface. La dernière des salles obscures nous présente deux héros : celui du passé et celui du présent. Thomas est celui qui fait revivre Raoul par la lecture de son autobiographie. Il part à la découverte de la vie passée d'un vieil homme presque centenaire qui, sans avoir écrit son autobiographie, ne lui aurait laissé aucun autre souvenir que celui d'un vieux grincheux infirme. Le lecteur se rend compte, avec le personnage contemporain Thomas, que le vieil homme a eu une vie et une jeunesse. Un peu comme le Vague à l'âme de Mardon, La dernière des salles obscures nous fait prendre conscience du « patrimoine humain » que représentent les personnes âgées.

Lapière et Gillon forment ici un duo très efficace, en phase. L'histoire de La dernière des salles obscures est une histoire d'humanité, de patrimoine, de cinéma et d'amour. Des thèmes brassés au travers des souvenirs fantasmatiques d'un seul homme.