7.5/10Le crépuscule de Tellure : l'Heroic Fantasy qui tache

/ Critique - écrit par athanagor, le 19/04/2011
Notre verdict : 7.5/10 - Le vol du héros (Fiche technique)

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Quand des auteurs de BD, plutôt branchés Histoire, se jettent dans l’Heroic Fantasy, cela donne un ouvrage avec un relief et une vérité assez rare, marié efficacement à une ambiance de jeu de rôle.

David et Lassablière, auteurs de Bravesland et de Les voies du Seigneur, qui passent ici du côté de l’Heroic Fantasy, arrivent à nous surprendre avec ce premier tome. D’abord, il est évident qu’ils ont retiré quelque chose de profond de leurs premiers travaux, basés sur des grands moments de l’Histoire. De fait, dès l’ouverture on a l’impression d’assister à un nouvel évènement historique romancée. Le découpage de l’action, la présentation, les noms et les concepts, tout concourt à ce que le lecteur garde en tête toutes les références pour aller, plus tard, les vérifier sur Wikipédia. Plus on avance, plus on élabore des solutions qui convergent vers l’Italie ou la Croatie du 16e siècle. Puis tout d’un coup, un bonhomme fait changer la couleur des cheveux d’un autre grâce à ses pouvoirs magiques... D’abord on se sent un peu couillon et bougrement crédule d’avoir pensé qu’il s’agissait là d’évènements réellement survenus.
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Mais à la faveur d’une lecture plutôt équilibrée, le courroux s’apaise et on reconnaît petit à petit que c'est la qualité du travail qui nous a piégé.

Le crépuscule de Tellure, c’est une histoire de cités rivales, de factions religieuses, de magiciens sur le retour, de voleurs expérimentés et d’enfants exploités par des bruts sans cœur. C’est en fait le mix convenu de tous les éléments qui consistent habituellement à vous faire tirer un dé 10 pour savoir si votre pied gauche glisse ou pas sur la paroi lisse et raide du château du seigneur local. Tout ça aurait pu finir lamentablement comme une exposition sans saveur des poncifs du genre, mais ici, une profondeur est apportée à l’ensemble. Sur fond de disparition d’une croyance au profit d’une autre, une certaine violence se fait corps. Pas celle à laquelle on se réfère habituellement, composée de gnons dans la trogne et de clés de bras, mais bien quelque chose de plus concret, de plus social. La déchéance de l’ancien ordre ne se traduit pas par l’abdication honorable d’un grand homme vêtu de blanc, mais par le réveil poisseux d’un
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magicien en bout de course dans le caniveau d’une cité qui jette pêle-mêle ses habitants les moins chanceux dans le bras du vice. Même l’animal magique qui intervient dans les dernières pages, et qui est généralement considéré comme un symbole de pureté, ne s’en prend pas à ses adversaires pour finir son existence dans une dernière charge désespérée et symbolique. Non, la bête passe à l’attaque par surprise et par derrière, à la dégueulasse, pour faire le plus de dégâts possible avant de s’enfuir à la faveur de la nuit. Ainsi, les choix que font les auteurs pour exposer leur histoire finissent par avoir la peau des attentes romanesque du lecteur, pour donner une dimension plus terre-à-terre à un ensemble qui s’en trouve grandit.

Pour le dessin, on sera un peu moins enthousiastes, sans condamner toutefois. Ce dernier n’est pas moche, mais le trait se résout dans une ligne claire étrangement répartie. Les mains et l’architecture présentent autant de détails que peuvent en comporter celles que Chaillet donne à Vasco. Mais les visages tendent parfois vers la caricature et ne doivent leur définition qu’à un travail centré sur la couleur. Le résultat est assez déroutant, et du coup certains passages calmes bénéficient d’une meilleure dynamique que d’autres, contenant pourtant plus d’action. Gageons qu’il ne s’agit là que d’une habitude à prendre pour un lecteur qui aura, malgré tout, envie de lire la suite.